Synthèse des chartes et codes de déontologie par Éric RODHE


Cette initiative provient d’un constat : les chartes ou codes à
vocation nationale, en vigueur ou en projet, ne se contredisent pas.
Ils se distinguent essentiellement par le champ qu’ils couvrent et par
certaines préoccupations propres à leurs artisans. Souvent, ils sont
redondants. En résumé, il est possible de les tenir : 1. comme puisant à
une même source de valeurs ; 2. comme complémentaires.

Dès lors, rien ne s’oppose à la tentation de les concilier dans une
synthèse. On peut ajouter que dans la mesure où celle-ci est envisageable,
cet effort s’impose tant notre profession a besoin de repères qui seraient
communément admis.
C’est une tentative de ce genre qui est proposée ici. Quelques
précisions sur la démarche suivie :
1. Nous nous en sommes tenu à cinq textes de référence ; dans
l’ordre chronologique de leur primo-élaboration :
– la Charte d’éthique professionnelle des journalistes du SNJ, dont
la première version date de 1918 et la 3e, dernière en date, de mars
2011 ;
– la Déclaration de principe sur la conduite des journalistes de la
Fédération internationale des journalistes (FIJ) de 1954, révisée en 1986 ;
– la Déclaration des devoirs et des droits des journalistes élaborée
en 1971 à Munich par un collège professionnel syndical international ;
– la Charte Qualité de l’information élaborée, en 2008, à la faveur
des Assises internationales du journalisme de Lille par un collège
professionnel pluriel ;
– le projet de Code de déontologie pour les journalistes proposé
en octobre 2009 par un « Comité des sages » réuni à la suite des
Etats-généraux de 2008 et présidé par Bruno Frappat.
2. Notre première tâche a été d’indexer les principes avancés par
ces textes. Pour plusieurs raisons. En premier lieu, chacun d’entre
eux ne numérote pas les déclinaisons de son contenu. Or, semblable
numérotation est un outil de repérage indispensable. C’est notamment
le seul moyen de vérifier ce qui est pris en compte ou non dans la
synthèse et à quel emplacement. Cependant, l’indexation répond à un
besoin plus fondamental qui découle de la structure des textes-sources
présentant presque dans tous les cas deux défauts. Que les contenus
fassent ou non l’objet d’une numérotation, ils sont déclinés dans des
paragraphes qui abordent souvent des notions différentes ressortissant
de problématiques parfois assez éloignées (même si l’on admet que, en
définitive, tout se tient...). Dans trois cas sur cinq, les principes énoncés
ne le sont pas selon une segmentation ordonnée thématiquement. Dans
les deux autres cas, les thèmes sont très généraux. Si bien que même
en lisant ces textes plusieurs fois de suite attentivement, le lecteur
n’est pas en mesure de se faire une idée satisfaisante de ce qu’ils ont
en commun et de ce qui les distinguent. Il est probable que cet exercice
désoriente les confrères à la recherche d’idées claires et précises. Le
mode d’indexation que nous avons retenu est le plus simple possible
: il consiste à attribuer un numéro d’ordre à chaque idée et cela en
conservant, dans un premier temps, l’ordre de la rédaction. Ce sont ces
textes indexés qui figurent dans la section II de ce rapport.
3. Notre deuxième tâche a été d’élaborer – il est important de le
souligner, à partir des textes-sources eux-mêmes – une taxinomie
thématique. C’est elle qui constitue l’entrée n°1 du tableau de la section
III. La fonction de cette matrice est cruciale. Composé de 13 parties,
cela signifie qu’autant de questions distinctes ont été identifiées. Bien
qu’évidemment liées entre elles, cela signifie néanmoins qu’il y a
autant d’enjeux différents à prendre en compte. C’est devant chacun
des thèmes que nous avons distribué les contenus des textes-sources
préalablement segmentés. Exercice qui permet de faire ressortir ce que
ces textes ont en commun tout en faisant apparaître leurs nuances. La
taxinomie et les regroupements en provenance des textes-sources ont
dicté les articles de synthèse avancés ici. Dans quelque cas, ils sont
accompagnés de remarques. Le rapporteur s’est aussi autorisé d’ajouter
quelques propositions (indexées de façon différente de A à G).
4. Nous nous sommes efforcé de reporter dans notre tableau
matriciel la totalité des propositions avancées par chacun des cinq
textes-sources. Tout, cependant, n’y figure pas. Nous prenons notre
lecteur à témoin, qu’il s’agisse soit d’éléments redondants à l’intérieur
d’un même texte, soit de quelque phrases « chevilles » qu’une synthèse
ne se devait pas forcément de reprendre, soit d’éléments qui peuvent
passer comme allant d’eux-mêmes dans le contexte de cette élaboration,
voire comme étant largement entérinés dans ce cadre.
TEXTES-SOURCES INDEXÉS
Charte d’éthique professionnelle des journalistes
SNJ, 1918, 3e version de mars 2011
1. Le droit du public à une information de qualité, complète, libre,
indépendante et pluraliste, rappelé dans la Déclaration des droits de
l’homme et la Constitution française, guide le journaliste dans l’exercice
de sa mission.
2. Cette responsabilité vis-à-vis du citoyen prime sur toute autre.
3. Ces principes et les règles éthiques ci-après engagent chaque
journaliste, quelles que soient sa fonction, sa responsabilité au sein
de la chaîne éditoriale et la forme de presse dans laquelle il exerce.
Cependant...
4. ... la responsabilité du journaliste ne peut être confondue avec
celle de l’éditeur, ni dispenser ce dernier de ses propres obligations.
5.a. Le journalisme consiste à rechercher, vérifier,
5.b. situer dans son contexte, hiérarchiser, mettre en forme,
commenter et publier une information de qualité ;
6. il ne peut se confondre avec la communication.
7. Son exercice demande du temps et des moyens, quel que soit le
support.
8. Il ne peut y avoir de respect des règles déontologiques sans mise
en oeuvre des conditions d’exercice qu’elles nécessitent.
9. La notion d’urgence dans la diffusion d’une information ou
d’exclusivité ne doit pas l’emporter sur le sérieux de l’enquête et la
vérification des sources.
10. La sécurité matérielle et morale est la base de l’indépendance
du journaliste.
11. Elle doit être assurée, quel que soit le contrat de travail qui le
lie à l’entreprise. L’exercice du métier à la pige bénéficie des mêmes
garanties que celles dont disposent les journalistes mensualisés.
12. Le journaliste ne peut être contraint à accomplir un acte ou
exprimer une opinion contraire à sa conviction ou sa conscience
professionnelle, ni aux principes et règles de cette charte.
13. Le journaliste accomplit tous les actes de sa profession (enquête,
investigations, prise d’images et de sons, etc.) librement,
14. a accès à toutes les sources d’information concernant les faits
qui conditionnent la vie publique et
15. voit la protection du secret de ses sources garantie.
16. C’est dans ces conditions qu’un journaliste digne de ce nom :
17. Prend la responsabilité de toutes ses productions
professionnelles, mêmes anonymes ;
18. Respecte la dignité des personnes et
19. la présomption d’innocence ;
20. Tient l’esprit critique, la véracité, l’exactitude, l’intégrité,
l’équité, l’impartialité, pour les piliers de l’action journalistique ;
21. Tient l’accusation sans preuve, l’intention de nuire, l’altération
des documents, la déformation des faits, le détournement d’images,
le mensonge, la manipulation, la censure et l’autocensure, la
non-vérification des faits, pour les plus graves dérives professionnelles.
22. Exerce la plus grande vigilance avant de diffuser des
informations d’où qu’elles viennent.
23. Dispose d’un droit de suite, qui est aussi un devoir, sur les
informations qu’il diffuse et
24. fait en sorte de rectifier rapidement toute information diffusée
qui se révèlerait inexacte.
25. N’accepte en matière de déontologie et d’honneur professionnel
que la juridiction de ses pairs ;
26. répond devant la justice des délits prévus par la loi.
27. Défend la liberté d’expression, d’opinion, de l’information, du
commentaire et de la critique.
28. Proscrit tout moyen déloyal et vénal pour obtenir une
information.
29. Dans le cas où sa sécurité, celle de ses sources ou la gravité des
faits l’obligent à taire sa qualité de journaliste, il prévient sa hiérarchie
et en donne dès que possible explication au public.
30. Ne touche pas d’argent dans un service public, une institution
ou une entreprise privée où sa qualité de journaliste, ses influences, ses
relations seraient susceptibles d’être exploitées.
31. N’use pas de la liberté de la presse dans une intention intéressée.
32. Refuse et combat, comme contraire à son éthique professionnelle,
toute confusion entre journalisme et communication.
33. Cite les confrères dont il utilise le travail,
34. ne commet aucun plagiat.
35. Ne sollicite pas la place d’un confrère en offrant de travailler à
des conditions inférieures.
36. Garde le secret professionnel et protège les sources de ses
informations.
37. Ne confond pas son rôle avec celui du policier ou du juge.
– Déclaration des droits de l’homme et du citoyen (article XI) : «
La libre communication des pensées et des opinions est un des droits
les plus précieux de l’Homme : tout Citoyen peut donc parler, écrire,
imprimer librement, sauf à répondre de l’abus de cette liberté, dans les
cas déterminés par la Loi. »
– Constitution de la France (article 34) : « La loi fixe les règles
concernant les droits civiques et les garanties fondamentales accordées
aux citoyens pour l’exercice des libertés publiques ; la liberté, le
pluralisme et l’indépendance des médias. »
– Déclaration des devoirs et des droits des journalistes (Munich,
1971) : le SNJ, qui fut à l’initiative de la création de la Fédération
internationale des journalistes, en 1926 à Paris, est également l’un des
inspirateurs de cette Déclaration qui réunit l’ensemble des syndicats de
journalistes au niveau européen.
Déclaration de principe de la Fédération internationale des journalistes
(FIJ) sur la conduite des journalistes, 1954, 2e version de 1986
1. La présente déclaration internationale énonce les règles de
conduite des journalistes dans la recherche, la transmission, la diffusion
et le commentaire des nouvelles et de l’information lorsqu’ils rendent
compte d’événements.
2. Respecter la vérité et le droit que le public a de la connaître
constitue le premier devoir du journaliste.
3.a. Conformément à ce devoir, le journaliste défendra, en tout
temps, les principes de liberté et d’honnêteté dans la collecte et la
publication de l’information, et
3.b. du droit à commenter et à critiquer sans intention de nuire.
4. Le journaliste ne rapportera que les faits dont il/elle connaît
l’origine, ne supprimera pas les informations essentielles et ne falsifiera
pas de documents.
5. Le journaliste n’utilisera que des moyens honnêtes pour obtenir
des informations, des photographies et des documents.
6. Le journaliste s’efforcera au mieux de rectifier toute information
publiée ayant causé du tort du fait de son inexactitude.
7. Le journaliste gardera le secret professionnel en ce qui concerne
la source des informations obtenues confidentiellement.
8. Le journaliste gardera à l’esprit les risques qu’une discrimination
soit aggravée par les médias et fera son possible pour éviter de faciliter
une telle discrimination, fondée notamment sur la race, le sexe,
l’orientation sexuelle, la langue, la religion, les opinions politiques et
autres et les origines sociales ou nationales.
9.a. Le journaliste considèrera comme fautes professionnelles
graves : le plagiat ;
9.b. la distorsion malveillante, la calomnie, la médisance, la
diffamation, les accusations sans fondement ;
9.c. l’acceptation d’une quelconque gratification liée à la publication
d’une information ou de sa suppression.
10. Tout journaliste digne de ce nom se fait un devoir d’observer
strictement les principes énoncés ci-dessus.
11. Dans le cadre général de la législation de chaque pays, le
journaliste n’acceptera, en matière professionnelle, que la juridiction de
ses pairs, à l’exclusion de toute ingérence gouvernementale ou autre.
La Déclaration des devoirs et des droits des journalistes
Munich, 1971
1. Le droit à l’information, à la libre expression et à la critique est
une des libertés fondamentales de tout être humain.
2. De ce droit du public à connaître les faits et les opinions procède
l’ensemble des devoirs et des droits des journalistes.
3. La responsabilité des journalistes vis-à-vis du public prime toute
autre responsabilité, en particulier à l’égard de leurs employeurs et des
pouvoirs publics.
4. La mission d’information comporte nécessairement des limites
que les journalistes eux-mêmes s’imposent spontanément.
5. Tel est l’objet de la déclaration des devoirs formulés ici.
6. Mais ces devoirs ne peuvent être effectivement respectés dans
l’exercice de la profession de journaliste que si les conditions concrètes
de l’indépendance et de la dignité professionnelle sont réalisées.
7. Tel est l’objet de la déclaration des droits qui suit.
8.a. Les devoirs essentiels du journaliste, dans la recherche, la
rédaction et le commentaire des événements, sont : respecter la vérité,
quelles qu’en puissent être les conséquences pour lui-même, et ce, en
raison du droit que le public a de connaître ;
8.b. défendre la liberté de l’information, du commentaire et de la
critique ;
8.c. publier seulement les informations dont l’origine est connue ou
les accompagner, si c’est nécessaire, des réserves qui s’imposent ;
8.d. ne pas supprimer les informations essentielles et
8.e. ne pas altérer les textes et les documents ;
8.f. ne pas user de méthodes déloyales pour obtenir des informations,
des photographies et des documents ;
8.g. s’obliger à respecter la vie privée des personnes ;
8.h. rectifier toute information publiée qui se révèle inexacte ;
8.i. garder le secret professionnel et ne pas divulguer la source des
informations obtenues confidentiellement ;
8.j.1. s’interdire le plagiat ;
8.j.2. la calomnie ; la diffamation ; les accusations sans fondement ;
8.j.3. ainsi que de recevoir un quelconque avantage en raison de la
publication ou de la suppression d’une information ;
9. ne jamais confondre le métier de journaliste avec celui du
publicitaire ou du propagandiste ;
10. n’accepter aucune consigne, directe ou indirecte, des
annonceurs ;
11. refuser toute pression et
12. n’accepter de directives rédactionnelles que des responsables
de la rédaction.
13. Tout journaliste digne de ce nom se fait un devoir d’observer
strictement les principes énoncés ci-dessus ;
14. reconnaissant le droit en vigueur dans chaque pays, le journaliste
n’accepte, en matière d’honneur professionnel, que la juridiction de ses
pairs, à l’exclusion de toute ingérence gouvernementale ou autre.
15. Les journalistes revendiquent le libre accès à toutes les sources
d’information et le droit d’enquêter librement sur tous les faits qui
conditionnent la vie publique.
16. Le secret des affaires publiques ou privées ne peut en ce cas être
opposé au journaliste que par exception en vertu de motifs clairement
exprimés.
17. Le journaliste a le droit de refuser toute subordination qui
serait contraire à la ligne générale de son entreprise, telle qu’elle est
déterminée par écrit dans son contrat d’engagement, de même que
toute subordination qui ne serait pas clairement impliquée par cette
ligne générale.
18. Le journaliste ne peut être contraint à accomplir un acte
professionnel ou à exprimer une opinion qui serait contraire à sa
conviction ou sa conscience.
19. L’équipe rédactionnelle doit être obligatoirement informée de
toute décision importante de nature à affecter la vie de l’entreprise.
20. Elle doit être au moins consultée, avant décision définitive, sur
toute mesure intéressant la composition de la rédaction : embauche,
licenciement, mutation et promotion de journaliste.
21. En considération de sa fonction et de ses responsabilités, le
journaliste a droit non seulement au bénéfice des conventions collectives,
mais aussi à un contrat personnel assurant sa sécurité matérielle et
morale ainsi qu’une rémunération correspondant au rôle social qui est
le sien et suffisante pour garantir son indépendance économique.
Charte qualité de l’information, Assises internationales du journalisme
Lille, 2008
Principes
1. Le droit à l'information est une liberté fondamentale de tout être
humain, comme le droit à la critique et à la libre expression affirmé par
la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen.
2. Il est aujourd’hui garanti par la Constitution française et par la
Convention européenne des droits
de l'homme.
3. Il n'est pas d'exercice de la démocratie sans une information
honnête, rigoureuse, fiable, pluraliste et responsable.
4. Le droit du public à une information de qualité fonde la légitimité
du travail des journalistes telle qu'elle est reconnue par la loi du 29
mars 1935.
5. Une information de qualité détermine la confiance du public et
qualifie la valeur des médias qui les éditent.
6. La présente Charte de la Qualité de l'information s'inscrit dans
le droit fil des chartes qui ont structuré le débat sur les exigences d'une
information libre et indépendante. Celle de 1918 et celle ratifiée par les
syndicats européens de journalistes en 1971.
7. Les éditeurs et les journalistes signataires en portent aujourd’hui
les valeurs.
8. L'éditeur désigne toute personne physique ou morale qui édite
une publication de presse, quel que soit son support. Le terme employé
ici associe par nature l'ensemble des entreprises de communication
audiovisuelle ainsi que les agences de presse.
9.a. Le journaliste est celui dont le métier est de rechercher des
informations, les vérifier, les sélectionner,
9.b. les situer dans leurs contextes, les hiérarchiser, les mettre en
forme et éventuellement les commenter.
10. Il le fait au travers d'un média imprimé, radiodiffusé, télévisé
ou numérique, au moyen de textes, de sons, d'images fixes ou animées.
11. Le média est le produit que fabriquent ensemble éditeurs et
journalistes pour diffuser des informations à destination d'un public.
12. Il ne peut y avoir de médias d'information sans journalistes
professionnels regroupés au sein d'une rédaction et sans éditeurs.
13. La mission essentielle que partagent les journalistes et les
éditeurs est – en toute indépendance – de permettre à leurs concitoyens
de mieux comprendre le monde dans lequel ils vivent pour y agir en
connaissance de cause.
14. L'éditeur et la collectivité des journalistes définissent en
concertation les objectifs éditoriaux auxquels ils souscrivent ainsi que
les moyens de les mettre en oeuvre.
15. Ce « contrat éditorial » fonde la relation de confiance entre eux
et avec le public.
16.a. Les valeurs fondamentales de la vie démocratique fondent la
présente « Charte de la qualité de l'information » : l'honnêteté, le souci
de la vérité des faits ;
16.b. le respect des personnes, le respect de la diversité des opinions,
le refus de la manipulation des consciences, le refus de la corruption ;
16.c. le devoir de publier ce qui est d'intérêt public ;
16.d. Et en toute circonstance, la culture du doute.
17. Les équipes rédactionnelles et les éditeurs s'engagent à respecter
ces principes et à les faire prévaloir dans les médias où ils exercent.
Recherche et traitement de l’information
18. Une information de qualité doit être exacte.
19. La rechercher, la vérifier et la mettre en forme nécessite du
temps et des moyens.
20. L'approximation, la déformation doivent être bannies, tout
comme le mensonge, l'invention, la rumeur.
21. Éditeurs et journalistes s'obligent à rectifier les erreurs qui ont
pu être commises.
22. L'origine des informations doit être connue du public.
23. Lorsque l'anonymat s'avère nécessaire, éditeurs et journalistes
en prennent la responsabilité.
24. La recherche des faits est conduite sans a priori, dans un souci
d'équité et de neutralité.
25. Ils sont rapportés avec exactitude.
26. Le résumé ou la synthèse ne peut justifier l'approximation.
Indépendance
27. L'indépendance est la condition principale d'une information
de qualité. Une indépendance à l'égard de tous les pouvoirs.
28. Éditeurs et journalistes s'obligent à prendre recul et distance
avec toutes les sources d'information, qu'elles soient institutionnelles,
associatives ou privées.
29. Les journalistes comme les éditeurs s'interdisent toute pratique
pouvant conduire à un « conflit d'intérêt » dans l'exercice de leurs
fonctions.
30. Ils refusent les avantages financiers ou autres, dans l'exercice de
leur métier.
31. Ils n'acceptent aucune consigne, directe ou indirecte, des
annonceurs publicitaires, comme des lobbies et des services de presse
ou de communication.
32. L'information de qualité ne s'épanouit que dans la liberté.
33. Éditeurs et journalistes refusent toute censure.
34. Face aux modes, aux affirmations péremptoires et aux idées
reçues, ils s'imposent de toujours cultiver le doute.
Respect des personnes et du public
35. Une information de qualité ne peut transiger avec le respect de
la personne.
36. Les journalistes et les éditeurs s'obligent à respecter la vie privée.
37. Ils ne diffusent une information dans ces domaines que si elle
apparaît nécessaire à la compréhension d'événements ou de situations
de la vie publique.
38. Les journalistes et les éditeurs ne sont ni des juges ni des
policiers.
39. Ils respectent scrupuleusement la présomption d'innocence.
40. Ils ne forment pas un pouvoir mais un contre-pouvoir.
41. C'est dans le strict cadre de leurs fonctions qu'ils concourent à
la recherche de la vérité.
42. Le droit du public à connaître cette vérité indépendamment de
toutes pressions est leur justification.
43. Les journalistes et les éditeurs affirment qu'il ne peut y avoir
d'information de qualité sans une relation de confiance avec le public
qui la reçoit.
44. Ils mettent en oeuvre tous les moyens qui permettent au citoyen
de contribuer à la qualité de cette information. Organisation d'un
dialogue transparent sur la qualité éditoriale : courrier des lecteurs,
forum, médiateurs, etc.
45. Garantie d'obtenir rectification publique quand la relation des
faits est altérée.
46. Capacité d'obtenir des précisions sur la façon dont a été mené le
travail éditorial, dans la seule limite de la confidentialité des sources et
du secret professionnel.
Projet de code de déontologie du Comité des sages présidée
par Bruno Frappat - Octobre 2009
Le métier de journaliste
1.a. Le journaliste a pour fonction de rechercher, pour le public,
des informations, de les vérifier, de les situer dans un contexte, de les
hiérarchiser,
1.b. de les mettre en forme, et éventuellement de les commenter,
2. afin de les diffuser, sous toute forme et sur tout support.
3. Il le fait, au sein d’une équipe rédactionnelle, sous l’autorité
de la direction de la rédaction et la responsabilité du directeur de la
publication, dans le cadre d’une politique éditoriale définie.
4. Les journalistes et les responsables éditoriaux placent au coeur de
leur métier le droit du public à une information de qualité.
5. À cette fin, ils veillent avec la même exigence au respect des
règles déontologiques énoncées dans ce code.
6. L’indépendance du journaliste, condition essentielle d’une
information libre, honnête et pluraliste, va de pair avec sa responsabilité.
7. Le journaliste doit toujours avoir conscience des conséquences,
positives ou négatives, des informations qu’il diffuse.
Le recueil et le traitement de l’information
8. Le journaliste doit s’attacher avant tout à l’exactitude des faits,
des actes, des propos qu’il révèle ou dont il rend compte.
9. Le journaliste examine avec rigueur et une vigilance critique les
informations, documents, images ou sons qui lui parviennent.
10. Le souci d’assurer au plus vite la diffusion d’une information ne
dispense pas d’une vérification préalable de la crédibilité des sources.
11. Le journaliste est attentif aux critiques et suggestions du public.
Il les prend en compte dans sa réflexion et sa pratique journalistique.
12. Le journaliste s’assure que les textes, documents, images qu’il
présente n’ont fait l’objet d’aucune altération ou falsification de nature
à déformer la réalité des faits.
13. Toute modification volontaire d’une image doit être portée à la
connaissance du public.
14. L’origine des informations publiées doit être clairement
identifiée afin d’en assurer la traçabilité.
15. Le recours à l’anonymat n’est acceptable que lorsqu’il sert le
droit à l’information ; dans ce cas, le journaliste en avertit le public après
avoir informé son supérieur hiérarchique de la nature de ses sources.
16. Le journaliste s’interdit tout plagiat.
17. Il cite les confrères dont il reprend les informations.
18. Le journaliste rectifie dans les meilleurs délais et de la façon la
plus visible les erreurs qu’il a pu commettre.
19. Il doit avertir le public des manipulations dont il a pu être victime.
20. Le journaliste s’interdit d’utiliser des moyens déloyaux pour
obtenir des informations.
21. Dans les cas où le recueil d’informations ne peut être obtenu qu’en
cachant soit sa qualité de journaliste soit son activité journalistique, il
en informe préalablement sa hiérarchie, s’en explique auprès du public
et donne la parole aux personnes mises en cause.
22. Le journaliste veille à ne faire preuve d’aucune complaisance
dans la représentation de la violence et dans l’exploitation des émotions.
La protection du droit des personnes
23. Le journaliste respecte la dignité des personnes et la présomption
d’innocence.
24. Il veille à ne pas mettre en cause, sans information crédible sur
les faits allégués, la réputation et l’honneur d’autrui.
25. Il n’abuse pas de l’état de faiblesse ou de détresse de personnes
vivant des événements dramatiques pour obtenir d’elles des
informations ou des documents.
26. Le journaliste respecte la vie privée des personnes et ne diffuse
d’informations dans ce domaine que si elles apparaissent nécessaires
à la compréhension d’événements ou de situations de la vie publique.
27. Le journaliste veille à ne pas nourrir la haine, les discriminations
ou les préjugés à l’égard de personnes ou de groupes.
28. Il ne relaie pas des réactions de lecteurs, d’auditeurs, de
téléspectateurs ou d’internautes qui risquent d’entretenir ces mêmes
sentiments.
L’indépendance du journaliste
29. Le journaliste garde recul et distance avec toutes les sources
d’information et les services de communication, publics ou privés.
30. Il se méfie de toute démarche susceptible d’instaurer entre
lui-même et ses sources un rapport de dépendance, de connivence, de
séduction ou de gratitude.
31. Le journaliste ne confond pas son métier avec celui de policier
ou de juge.
32. Il n’est pas un agent de renseignements.
33. Il refuse toute confusion entre information et promotion ou
publicité
34. Le journaliste s’interdit toute activité lucrative, extérieure à
l’exercice de son métier, pouvant porter atteinte à sa crédibilité et à son
indépendance.
ÉLABORATION DE LA SYNTHÈSE (TABLEAU)
Les textes-sources sont toujours cités dans le même ordre
chronologique de leur première occurrence.
Pm : SNJ (1918) = S ; FIJ (1954) = F ; Munich (1971) = M ; Qualité
Assises (2008) = Q ; Comité sages (2009) = C. C’est toutefois leur version
la plus récente dont il a été tenu compte ici (cf section I).
Si le cas est rare, un article de texte-source peut être cité plusieurs
fois. La présentation des extraits ci-dessous obéit à des critères
techniques de travail ; les termes d’origine sont respectés, mais la
ponctuation est parfois modifiée. Voir ici en format pdf.
Note :
TEXTE DE LA SYNTHÈSE : les articles figurant entre crochets,
rédigés en italique et précédés de lettres sont des propositions du
rapporteur à considérer comme hors-synthèse.
- - -
Le droit citoyen à l’information
1. Les droits d’information, d’expression et de critique sont des
droits fondamentaux de l’être humain dans la Cité.
2. Leur satisfaction suppose l’existence de médias pluralistes, libres
et indépendants, honnêtes et de qualité.
3. L’existence des médias est inséparable de l’exercice de la
souveraineté populaire dans la démocratie telle qu’elle est proclamée
par la Constitution de la République française et par la Convention
européenne de sauvegarde des droits l’homme et des libertés
fondamentales.
Indissociablité du journalisme et de l’édition
4. La réalisation et la diffusion d’un média est un acte d’édition et
de journalisme.
5. Il engage, notamment à travers ses choix éditoriaux, chacun de
ses acteurs, individuellement et collectivement, vis-à-vis du public
citoyen et au sein de sa communauté professionnelle.
La responsabilité des médias
6. La responsabilité des médias d’information à l’égard du public
citoyen de la démocratie prime sur toute autre.
7. Elle fonde l’éthique ainsi que les devoirs et les droits de tous les
acteurs de la chaîne éditoriale quel que soit le support.
L’accès à l’information
8. Le journaliste a vocation à accéder à toutes les informations qui
concernent la vie publique.
[A. L’intérêt supérieur du droit à l’information de la collectivité des
citoyens est le critère sur lequel le journaliste se fonde pour rompre
si nécessaire le secret observé parmi les acteurs des secteurs privé et
public.]
L’autorité éditoriale
9. L’indépendance du journaliste, condition essentielle d’une
information libre, honnête et pluraliste, va de pair avec sa responsabilité.
10. Il accomplit librement sa tâche au sein d’une équipe
rédactionnelle, sous l’autorité exclusive des chefs de la rédaction et
sous la responsabilité du directeur de la publication.
11. Le journaliste ne peut être contraint d’accomplir un acte,
d’exprimer une opinion, ou d’être associé à une expression éditoriale
qui seraient contraires à sa conscience professionnelle ou à sa conviction.
12. Il n’accepte aucune consigne, directe ou indirecte, des
annonceurs, ne cède à aucune influence intéressée ou pression et
s’assure d’agir avec la plus grande autonomie de jugement possible.
La collecte de l’information
Prise en compte des sources
13. Le journaliste doit s’attacher avant tout à l’exactitude des faits,
des actes et des propos qu’il prend en compte.
14. Il examine avec rigueur et une vigilance critique les informations,
documents, images, sons et les prises de position qu’il obtient ou qui lui
parviennent.
15. Il s’assure notamment qu’ils n’ont fait l’objet d’aucune altération
ou falsification de nature à déformer la réalité.
16. La recherche et la collecte des éléments-sources décrivant la
réalité est conduite sans a priori, dans un souci d’équité et de neutralité.
17. La volonté d’assurer au plus vite la diffusion d’une information
ne doit l’emporter ni sur l’évaluation et la vérification des sources, ni
sur le sérieux de l’enquête.
Rapport avec les informateurs
18. Le journaliste proscrit tout moyen déloyal et vénal pour obtenir
informations, images, sons et documents.
19. Si sa sécurité, celle de ses sources, ou la gravité des faits l’obligent
à taire soit sa qualité de journaliste soit son activité journalistique, il
prévient sa hiérarchie, s’en explique dès que possible vis-à-vis du
public, et donne la parole aux personnes mises en cause.
20. L’origine des informations publiées doit être clairement
indiquée. Le recours à l’anonymat n’est acceptable que lorsqu’il sert le
droit à l’information ; dans ce cas, le journaliste en avertit le public après
avoir informé son supérieur hiérarchique de la nature de ses sources.
21. Le journaliste n’abuse pas de l’état de faiblesse ou de détresse
de personnes vivant des événements dramatiques pour obtenir d’elles
des informations ou des documents.
[B. Les journalistes s’efforcent de s’organiser en pool et de partager
leurs informations ou documents lorsque leur collecte risque de s’avérer
traumatisante pour des victimes ou lorsque leur mobilisation risque de
conférer par son caractère massif une dimension disproportionnée à
une occurrence de l’actualité.]
[C. Le journaliste contribue à la vie de la Cité à travers l’information
publiée ; il s’efforce de ne pas peser sur le cours des événements en
amont, notamment par la collecte d’information ou par sa seule
présence sur le théâtre d’un événement.]
22. Il garde recul et distance avec toute source d’information ; celle
qu’il sollicite comme celle qui se présente à lui.
[D. S’il rend compte d’une situation en bénéficiant d’une prise en
charge par des représentants d’intérêts privés ou publics, il en informe
le public.]
23. Il respecte le secret professionnel à l’égard des personnes qui
l’ont informé confidentiellement et veille à ne pas les exposer.
Le traitement éditorial de l’information
Primauté de la fidélité au réel
24. Chaque journaliste se porte garant, pour la part lui incombant,
d’un traitement éditorial n’altérant, ne déformant et ne falsifiant pas la
réalité.
25. Il bannit l’approximation et l’invention.
26. Toute modification volontaire d’une image doit être portée à la
connaissance du public.
27. Il refuse toute censure et veille à ne pas s’autocensurer en
particulier lorsque les éléments dont il dispose contredisent ses
présupposés, ses prévisions ou ses préférences.
28. Confronté à l’autorité, à l’assurance du grand nombre et au
charisme individuel, il cultive le doute ; avec arguments et preuves, il
combat le scepticisme.
29. Il veille à ne servir aucun intérêt privé en relayant publicité,
promotion ou propagande et à ne faire l’objet d’aucune manipulation.
30. Il s’interdit de propager toute rumeur.
31. Il ne fait preuve d’aucune complaisance dans la représentation
de la violence et dans l’exploitation des émotions.
32. Il s’interdit tout plagiat et cite les confrères dont il reprend les
informations.
33. Le journaliste s’efforce d’indiquer au public les circonstances
d’élaboration et de publication de l’informaiton – autant que lui permet
un éventuel engagement de confidentialité vis-à-vis d’informateurs.
Le respect des personnes
34. Le journaliste agit sans intention de nuire.
35. Il s’interdit toute malveillance, calomnie, diffamation ou injure.
36. Il évite toute mise en cause d’une personne sans élément probant.
Il ne le fait qu’avec la plus grande circonspection en s’efforçant de faire
droit au point de vue de la personne incriminée.
37. Il respecte la présomption d’innocence.
38. Il combat tout préjugé et toute discrimination ; notamment ceux
fondés sur le genre, l’appartenance ou non–appartenance ethnique
ou nationale, la langue, la religion, l’opinion, l’origine sociale et
l’orientation sexuelle.
39. Il veille à ce que la diffusion d’une information ou d’une
opinion ne contribue pas à nourrir les préjugés, les discriminations ou
la haine ; d’une manière générale, il s’évertue à ne pas contribuer à la
manipulation des consciences et à favoriser l’autonomie d’appréciation
du public.
40. Il respecte la vie privée des personnes et ne diffuse d’information
en relevant que si elle apparaît nécessaire à la compréhension d'un
événement ou d’une situation de la vie publique.
Le suivi de la publication
41. Le journaliste suit les affaires traitées.
42. Il doit toujours avoir conscience des conséquences, positives ou
négatives, des informations qu’il diffuse.
[E. Sans concession à l’égard des exigences d’information,
d’exactitude et de suivi d’un événement, le journaliste se montre attentif
aux effets de répétition et de cumul du traitement d’un événement par
un média ou d’un média à l’autre.]
43. Il rectifie le plus rapidement possible, de manière visible, toute
information inexacte ou erreur qu’il a pu commettre.
44. Il avertit le public d’une manipulation dont il a pu être victime.
45. Le journaliste est attentif aux critiques et suggestions du public
qu’il prend en compte dans sa réflexion, dans sa pratique professionnelle
et au plan éditorial.
La sécurité
46. Chaque acteur au sein d’un média, ou d’une famille de média,
collaborateur régulier ou occasionnel, concourt, pour sa part, à la
sécurité matérielle et morale d’autrui.
L’engagement spécifique des journalistes professionnels
47. Le journaliste n’use pas de la liberté de la presse dans une
intention intéressée.
48. Il s’interdit de recevoir un quelconque avantage en raison de la
publication ou de la non-publication d’une information.
49. Il s’interdit toute activité lucrative, extérieure à l’exercice de sa
profession, pouvant porter atteinte à sa crédibilité, à son indépendance
ou à celle du média auquel il collabore.
50. De même, il s’interdit toute activité où sa qualité de journaliste,
son influence, ses relations seraient susceptibles d’être exploitées à
d’autres fins que l’information du public.
51. Il évite toute pratique pouvant conduire à un conflit d'intérêt
dans l'exercice de sa fonction.
[F. (A la suite de 51 :) De même, il évite les situations pouvant
légitimement laisser le publlic penser qu’il est confronté à un conflit
d’intérêt.]
52. Il se garde d’instaurer entre lui-même et ses sources un rapport
de dépendance, de connivence, de séduction ou de gratitude.
53. Il n’est pas un agent de renseignements ; il ne confond pas son
rôle avec celui du policier ou du juge.
La reddition de comptes
54. S’il répond devant la justice des infractions prévues par la loi,
le journaliste ne reconnaît, en matière de déontologie, d’honneur et de
pratique professionnelle, que la libre juridiction de ses pairs.
[G. (à la suite de 54 :) ou, le cas échéant, celle d’un collège reconnu
par une majorité de ses pairs associant des représentants de journalistes,
d’éditeurs et du public.