Table ronde
du 16 Mai 2014 au Sénat sur invitation de Mesdames les sénatrices Nathalie
Goulet et Chantal Jouanno
"Remettre
l’éthique au cœur de la vie publique dans la politique, le journalisme et
l’entreprise."
Seconde
table ronde : Enquêter, transgresser, informer - Le rapport entre l'enquête et
le droit à l'information
Avec Madame
Dominique Pradalié (Secrétaire Générale, Syndicat National des Journalistes),
Messieurs Pierre-Olivier Sur (Bâtonnier de l'Ordre des Avocats de Paris),
Fabrice Arfi (Journaliste, Médiapart) et les "Les Indignés du PAF"
(collectif citoyen)
Les Indignés du PAF est un collectif qui réunit des personnes de toute la France et de toutes professions
autour de la qualité de l’information en général, tout support confondu (presse, radio, télé, internet). Le collectif est né suite à la diffusion par TF1 de reportages bidonnés sur la délinquance urbaine fin 2011. Depuis, nous exerçons une veille citoyenne par le biais des réseaux sociaux et saisissons les rédactions quand nous constatons des dérives pour obtenir des rectifications et des excuses, ce que nous obtenons parfois. Nous menons aussi des campagnes de pétitions autour de propositions concrètes. Celle de 2012 « Faites entrer les citoyens au CSA ! » a reçu près de 7.000 signatures.
« Remettre l’éthique au cœur de la vie publique dans la politique, le journalisme et l’entreprise »…
L’intitulé du débat souligne de fait une spécificité française fréquemment dénoncée par les analystes du monde entier : celle des rapports incestueux entre industriels, politiques et médias. Les médias, détenus par des industriels dont l’information n’est pas le cœur de métier, mais dont l’activité principale dépend de la commande publique, deviennent des outils de pouvoir détournés de leur vocation première avec une double conséquence : un manque cruel d’investissement dans l’avenir et une méfiance fatale du public.
Cette dramatique connivence piège l’information dans des enjeux sans rapport avec la nécessité de vérité ou d’honnêteté, mais aucune structure en France ne vient fixer de repères déontologiques incontournables et les propriétaires de médias s’en préservent bien pour pouvoir garder le contrôle des rédactions en décidant eux-mêmes des règles à appliquer. C’est la raison pour laquelle, avec le Syndicat National des Journalistes, l’Association des Journalistes Européens, l’Association pour l’Avenir des Diffuseurs de Presse, avec des élus, des journalistes à titre individuel, et des spécialistes, nous avions lancé fin 2013 une campagne « Faisons évoluer les médias ensemble ! » autour de deux points principaux:
- l’adoption d’une charte universelle de l’information adossée à la convention collective, pour qu’elle ait force de loi ;
- la création d’une instance de déontologie réunissant tous les intervenants du secteur pour rétablir le dialogue entre les citoyens et les médias.
Nous arrivons sur certains points à des positions identiques à celles de l’Association pour la Préfiguration d’un Conseil de Presse créée en 2006 par Messieurs Yves Agnès et Jean-Luc Martin-Lagardette. Ou encore à Roland Cayrol qui en 1997 publiait « Médias et démocratie : la dérive ». Il proposait lui-aussi, entre autres, la création d'un Conseil de Presse et l'obligation pour les journalistes de publier les rectificatifs à l'antenne.
Les élus n’osent cependant pas aller contre la volonté des patrons de presse et les choses ne se font donc pas.
Certains journalistes perçoivent toute volonté législative comme liberticide. Mais, contrairement à ce qu’ils pensent, les principes déontologiques sont avant tout des moyens de protéger leur travail des pressions de leur actionnaire. Comme l'analyse le sociologue Erik Neveu, les journalistes français cumulent fermeture crispée face aux critiques qui ne viennent pas de leurs rangs et faible capacité à se doter de lieux de débat sur leur pratique comme à sanctionner ceux qui bafouent ouvertement leur éthique professionnelle. Les débats continuent donc dans le vide et les médias s’enfoncent dans la crise : Libération, Le Monde et France Télévisions sont en train d’imploser, rien ne se passe.
Pour toutes ces raisons, nous avons décidé, si aucune initiative n’est prise avant fin juin, de créer nous-mêmes pour la fin de l’année au plus tard, un "Conseil de Presse d’initiative citoyenne", qui rassemblera un collège de citoyens n’appartenant pas au monde des médias et un autre de journalistes pour les conseiller. L’idée fondamentale est de remettre l’éthique au cœur du débat public, d’en faire une réalité en faisant participer directement, concrètement le public dans un esprit d’ouverture et une très large mixité.
Une information fiable et de qualité accessible à tous est une nécessité démocratique. Nous respectons les journalistes et nos actions visent à faire en sorte qu’ils aient les moyens de faire leur travail dans de bonnes conditions.
Nous terminerons cette intervention par une pensée forte en hommage à Camille Lepage qui a perdu dernièrement la vie pour nous informer.
Vive le journalisme d’intérêt général, vive l’information de qualité !