Rares so nt
les médias franç ais
à dispo ser d’un
médiateur I ls so nt
une dizaine, do nt c inq quo tidiens. Parmi eux , Le Mo nde fait figure
de pio nnier Le rô le a été c ré e en 1 994 et so n av ant-dernier titulaire,
Ro bert So le - sur lequel po rte c ette c o ntributio n -, l’a o c c upé sept
ans de 1 998 à 20 0 6 après av o ir été direc teur-adjo int de
la rédac tio n pendant plusieurs années.
No mmé par le direc teur de public atio n du quo tidien, le médiateur est c hargé de « fav o riser le dialo gue entre les lec teurs et la rédac tio n », selo n les termes de la c harte déo nto lo gique du quo tidien. Semaine après semaine, de manière plus o u mo ins régulière mais to ujo urs dans l’éditio n du week-end, le médiateur pro po se, en se fo ndant sur des c o urriers de lec teurs so uv ent c ritiques, de rev enir sur une enquête, une faute de sty le, un titre de « une », un édito rial, une interv iew, une c hro nique o u un dessin, etc . I l pro po se finalement des billets qui, mis en rec ueil, s’apparenteraient à un so rte de « manuel » de jo urnalisme. Celui-c i serait c ertes un peu partic ulier puisque prenant po ur po int de départ des c o urriers de lec teurs. Mais le terme po urrait c o nv enir assez bien puisque le médiateur tend en définitiv e à distinguer les « bo nnes » des « mauv aises » pratiques jo urnalistiques.
No mmé par le direc teur de public atio n du quo tidien, le médiateur est c hargé de « fav o riser le dialo gue entre les lec teurs et la rédac tio n », selo n les termes de la c harte déo nto lo gique du quo tidien. Semaine après semaine, de manière plus o u mo ins régulière mais to ujo urs dans l’éditio n du week-end, le médiateur pro po se, en se fo ndant sur des c o urriers de lec teurs so uv ent c ritiques, de rev enir sur une enquête, une faute de sty le, un titre de « une », un édito rial, une interv iew, une c hro nique o u un dessin, etc . I l pro po se finalement des billets qui, mis en rec ueil, s’apparenteraient à un so rte de « manuel » de jo urnalisme. Celui-c i serait c ertes un peu partic ulier puisque prenant po ur po int de départ des c o urriers de lec teurs. Mais le terme po urrait c o nv enir assez bien puisque le médiateur tend en définitiv e à distinguer les « bo nnes » des « mauv aises » pratiques jo urnalistiques.
2 La médiatio n du
Mo nde a susc ité
un c ertain intérêt
des c herc heurs en sc ienc es so c iales, en partic ulier
parc e que le matériau o ffert - les c hro niques - permet de réfléc hir aux év
o lutio ns de l’ac tiv ité jo urnalistique, de ses relatio ns av ec ses public
s o u de ses mo des d’éc riture mais aussi des transfo rmatio ns
d’un quo tidien de « référenc e
»1 . Po urtant, les
analy ses dispo nibles o nt
jusqu’ic i laissé de c ô
té un
pan entier de
l’éc riture de médiatio n,
so it la pro pensio n de so n
titulaire à appuy er so n argumentatio n sur le langage de la règle. Le v o c
able « règle » - il y a des règles à respec ter lo rsque l’o n fait du jo
urnalisme, répète le médiateur - rev ient av ec une relativ e insistanc e : 83
fo is dans un c o rpus c o mpo sé de 266
c hro niques. En mo y enne - sac hant
que le terme peut apparaître plusieurs fo is dans une seule c hro nique et qu’il peut marginalement renv o y er
à d’autres règles
(c o mme c elle de
l’instruc tio n judic iaire) -, le médiateur a do nc to utes les c hanc
es d’y av o ir rec o urs entre une fo is
sur tro is et une fo is sur quatre. C’est dire que l’appel aux règles est
suffisamment fréquent po ur questio nner Ro bert So le préc ise d’ailleurs,
dans sa to ute dernière c hro nique qui v ient c lo re huit années d’ex erc ic
e, et dans laquelle il rev ient sur so n
rô le et ac tio n en guise de bilan, que le médiateur a po ur c harge
de « s’assurer
que le jo urnal
est fidèle à
ses rè gle s »2 (0
5 -
0 6/ / 1 1 / 20 0 6).
3 En appuy ant
so n raiso nnement sur des règles, le médiateur n’a pas rec o urs à n’impo
rte quelle métapho re3.
I l n’est pas
dans la situatio n
de no mbreux c herc heurs pensant
une ac tiv ité so c iale à trav ers l’analo gie du jeu (dans lequel il y a
aussi justement des règles). Cette
dernière analo gie, c lassique, v ise
à penser autant qu’à
surligner une ac tiv ité
env isagée c o mme étant
faite d’interdépendanc es (dans la
plupart des jeux , il faut
être au
mo ins deux ; l’év o lutio n d’un
jeu se déc ry pte à trav ers les ac tio ns réc ipro ques des jo ueurs ; c hac
un n’a
pas les mêmes c
hanc es de gagner
to us ne dispo sant
pas de resso urc es de même
po ids, etc .). I c i, c ’est d’une
autre analo gie do nt
il est questio n, une analo gie
de ty pe juridique. C’est c e que rév èle
aisément to ut l’env iro nnement
d’éc riture de l’analo gie
mo bilisée. Et l’enjeu
n’est pas négligeable :1 e
médiateur laisse en effet perc ev o ir que le trav ail jo urnalistique
est tendanc iellement c o difiable. Ce faisant, il présente le jo
urnalisme c o mme une ac tiv ité faite
de limites o u de fro ntières. Mais c
’est peut-être une autre analo gie enc o
re qui
permet le mieux
de c o mprendre c e
qui se jo ue.
Le médiateur paraît c o nstruire une grammaire, entendue ic i dans so n
sens le plus o rdinaire, c ’est-à-dire un ensemble de règles c o nv entio
nnelles, susc eptibles de v arier dans le temps ; des rè gles qui déterminent
un usage c o rrec t de la langue, ic
i de
la langue jo urnalistique. C’est
que les règles
v isées par la médiatio n de
presse c o nc ernent d’abo rd
l’éc riture de presse
et ses
agenc ements dans les rubriques du jo urnal4.
Une m étaphore juridique
4 Le médiateur
ne dit jamais qu’il c o difie des pratiques. Pas plus qu’il n’appelle o ffic
iellement à une c
o dific atio n des pratiques
jo urnalistiques - le v
erbe
« c o difier »
est d’ailleurs emplo y é
une seule fo is
dans une c hro nique signific ativ ement titrée «
Les tables de la lo
i »
(1 3 -1 4/ 0 6/ 20 0 4). Mais sa
pratique s’insc rit dans c ette démarc he c o mme le signale l’insistanc e à
parler de règles. C’est bien d’une métapho re do nt il s’agit, et pas n’impo rte
laquelle,
une métapho re juridique qui lui o ffre des resso urc es
argumentativ es de po ids.
Inscriptions
5 Quelques ex emples
permettro nt d’indiquer que
le médiateur rappelle régulièrement qu’il y a des règles
du bo n jo urnalisme - il peut aussi, mais à la marge, les qualifier de «
règles pro fessio nnelles », « règles déo nto lo giques »,
« règles rédac tio nnelles », « règles mo rales », « règles ty po
graphiques ».
Tableau I : Exemples d’utilisation du terme « règles ».
« Le respec t des règles que Le Mo nde s’est lui même fix ées » (0
7 -0 8/ 0 7 / 98).
« Si les règles so nt faites po ur
év o luer ; ne faut-il pas une règle, av ec
des ex c eptio ns c lairement préc isées ? » (0 7 -0 8/ 0 6/ 99).
« I l leur
appartient en rev anc he
d’o bserv er les règles
déo nto lo giques habituelles » (22-23 / 1 1 / 99).
« Le Mo nde a-t-il déro gé à c ette règle ? » (22/ 23 / 1 1 / 99).
« L’interv iew [...] a
parfaitement respec té quelques
règles de base
» (23 -
24/ 0 7 / 20 0 0 ).
« X a fait une enquête dans les règles » (0 2-0 3 / 0 4/ 20 0 0 ).
« Les réac tio ns
[...] qui, en bo
nne règle, auraient
du être c itées
» (0 3 -
0 4/ 1 2/ 20 0 0 ).
« V o ilà po ur la règle... » (1 1 -1 2/ 0 6/ 20 0 0 ).
« Cet édito rial a été rédigé dans les règles » (27 -28/ 0 8/ 0 1
).
« Naturellement, une règle ex iste » (3 0 / 0 6-0 1 / 0 7 / 0 2).
« Des règles ay ant été fix ées » (1 1 -1 2/ 0 8/ 0 2).
« Selo n la no uv elle règle intro duite dans les pages “Franc e” »
(1 9-20 / 0 5 / 0 2).
« Une règle impérativ e » (1 0 -1 1 / 1 1 / 0 2).
« Le stric t respec t des règles qu’elle s’est fix ées » (0 2-0 3 /
0 3 / 0 3 ).
« No s règles... » (0 9-1 0 / 0 3 / 0 3 ).
« Les règles d’éc riture du jo urnal [...]. Ces règles se so nt mo
difiées au fil des années »
(1 8-1 9/ 0 5 / 0 3 ).
« Une bo nne règle v eut que... » (20 -21 / 0 7 / 0 3 ).
« La règle ex périmentée par Le Mo nde depuis un an... » (0 7 -0 8/
1 2/ 0 3 ).
« Peut-o n définir une règle générale ? » (21 -22/ 0 3 / 0 4).
« Une seule règle en la matière.... » (3 0 / 0 8-0 1 / 0 9/ 0 4).
« Du mo ment
qu’il respec te les
règles de la
public atio n à laquelle
il appartient... » (1 3 -1 4/ 1 2/ 0 4).
« I ls ne
respec tent pas c ertaines
règles, de fo rme
o u de fo nd...
» (1 3 -
1 4/ 1 2/ 0 4).
« To us les rédac teurs et rédac tric es du Mo nde n’appliquent pas
c ette règle » (3 0 -3 1 / 1 0 / 0 5 ).
« Selo n les règles du Mo nde [...]. Ce n’était pas le c as [...].
Le règle méritait plus que jamais [...] d’être appliquée » (0 4-0 5 / 1 2/ 0 5
).
« Règle d’o r : to ute erreur c o mmise... » (1 0 -21 / 0 6/ 0 5 ).
« Le jo urnal ne peut ado pter la même règle po ur... » (27 -28/ 1
1 / 0 5 ).
« La règle méritaient plus que jamais [...] d’être appliquée » (0
4-0 5 / 1 2/ 0 5 ).
« La phrase relev ée [...] ne po uv ait être que l’ex c eptio n qui
c o nfirme la règle » (1 5 -1 6/ 0 5 / 0 6).
6 Le médiateur
dit aussi s’appuy er sur des tex tes qui distingueraient c e qui se fait de c e
qui ne se fait pas. Le Liv re de Style , publié début 20 0 2, est le premier
tex te public de référenc e lui permettant de dispo ser de c ritériums éc rits
- il
« ne po rte pas seulement sur l’éc riture, éc rit Ro bert So le :
il définit aussi des règles déo nto lo
giques et pro fessio nnelles. Ce
qui n’était jusqu’ic i
qu’une c o nstitutio n no n éc rite, o u un c o ntrat de lec ture implic
ite, se tro uv e fo rmalisé et mis sur la plac e publique » (20 -21 / 0 1 / 0
2). « Co ntrat » (v o ir aussi, entre autres c hro niques, c elle du 0 5 -0 5 /
1 2/ 0 3 o u 1 3 -1 4/ 1 2/ 0 4) o u
« c o ntrat de c o nfianc e » (1 2-1 3 /
0 7 / 99) o u « c o nstitutio n » do nc
, mais aussi « c harte » (0 9-1 0 / 0 3
/ 0 3 o u 1 3 -1 4/ 0 6/ 0 4 o u 1 7 -1 8/ 0 4/ 0 4), » c harte rédac tio
nnelle » (1 7 -1 8/ 0 3 / 0 3 et 3 0 -3 1 / 0 3 / 0 3 ), «
bible » (20 -21 / 0 1 / 0 2 o u
3 0 / 0 6 et
0 1 / 0 7 / 0 2), « c o
de d’ho nneur et c o de de
la ro ute » (1 7 -1 8/ 0 3 / 0
2). Publié deux fo is
jusqu’ic i, à dispo sitio n des lec teurs intéressés qui peuv ent
se le pro c urer en kio sque, il
a été mis au po int par une petite équipe de jo urnalistes
dirigée par Laurent Greilsamer5, alo rs rédac teur en c hef du quo
tidien. L’idée
pro v iendrait de Jean-Franç o is Fo gel, un des auteurs de la no
uv elle fo rmule de
1 995 . I l aurait rec o mmandé l’éditio n d’un « guide rédac tio
nnel » à l’image de c e qu’il av ait v u à
l’étranger, en partic ulier aux
Etats-Unis6. A uparav ant, le médiateur po uv ait mettre en av ant un « c o
ntrat implic ite av ec les lec teurs » (0 5 -0 6/ 1 0 / 98) o u,
à l’o c c asio n, un « do c ument interne »
(1 2-1 3 / 0 7 / 99), v o ire une o u des « règles » (« selo n une v
ieille règle », 23 -24/ 0 7 / 20 0 0 ) et, une
fo is, « les
tables de lo i
[qui] ex igent... » (1
9-20 / 0 3 / 20 0 0 ), sans en signifier plus.
7 Le médiateur
y rev iendra, deux ans après la première
éditio n du Liv re de Style en v alo
risant le c hangement
de 1 995 (no uv elle
équipe de direc tio n, no uv elle
maquette, no uv elles no rmes...) : « Pendant un demi-sièc le, Le Mo nde s’est
appuy é sur une c harte no n éc rite. A uc un tex te n’indiquait c e qu’il
fallait o u ne fallait pas faire, mais c hac un semblait le sav o ir ex ac
tement. Quelques mo is après so n
embauc he, un jeune
rédac teur c o nnaissait la
manière de rédiger une brèv e
o u de titrer
un entrefilet ; il av ait appris à
v érifier une info rmatio n, mo dérer
so n sty le, ne
pas pro c lamer ses
engagements po litiques... » (1 3 -1 4/ 0 6/ 0 4).
8 Le beso in
d’un « c o de d’éditio n », « c harte rédac tio nnelle » (27 -28/ 1 2/ 0 4) o u
autre « guide rédac tio nnel » serait, indique le médiateur, la c o nséquenc e
de «
la transfo rmatio n des
métiers de la
presse », en
partic ulier d’une év o lutio
n faite
de c hangements tec hniques,
de la c ro issanc e
aussi d’une rédac tio n de plus
en plus éto ffée et « beauc o up reno uv
elée » (le médiateur
préc ise ainsi dans
une c hro nique préc édente
que pas mo ins
de c ent dix no uv eaux jo urnalistes o nt été embauc
hés entre 1 994 et 1 999, so it un tiers de l’effec tif - 0 7 -0 8/ 0 2/ 99).
« Le
mirac le quo tidien - éc rit le
médiateur-, qui c o nsistait à mettre en page des c entaines de tex tes
no n c alibrés, mo ntrait ses limites. En dépit de l’info rmatisatio n, o n c o
ntinuait à éc rire des artic les tro p lo ngs, qu’il fallait c o uper au
dernier mo ment, o u qui étaient rec alés faute de plac e ».
9 Depuis, le
médiateur peut appuy er so n billet sur c e rec ueil de no rmes : « Ce
qui n’était jusqu’ic i qu’une c o nstitutio n no n éc rite, o u un
c o ntrat de lec ture implic ite, éc
rit-il, se tro uv e fo rmalisé
et mis sur
la plac e publique
» (20 -
21 / 0 1 / 0 2). Le médiateur
se définit déso rmais
c o mme un « ex
égète » trav aillant - autre métapho re
utilisée, mais marginalement - « bible en main » ay ant po ur fo nc tio n so n « interprétatio n philo lo gique et do
c trinale » (20 -
21 / 0 1 / 0 2).
L’appel au Liv re
de Style est
sino n fréquent du mo
ins assez
régulier, c o mme peuv ent en do nner une idée c es quelques
illustratio ns :
Tableau 2 : Exemples d’appel au Livre de Style.
« Les rédac teurs du jo urnal dev raient o uv rir de temps en temps
Le Style du
Mo nde , po ur c o nsulter l’abéc édaire » (24-25 / 0 3 / 0 2).
« Les règles pro fessio nnelles, insc rites dans la c harte rédac
tio nnelle (Le Style du Mo nde ) so nt c laires » (3 0 -3 1 / 0 3 / 0 3 ).
« Une règle ex iste. Elle figure en to utes lettres dans Le Style
du Mo nde , c ette bible du jo urnal » (3 0 / 0 6 et 1 / 0 7 / 0 2).
« Le “liv re de sty le” du Mo nde est assez énigmatique, se c o
ntentant... » (1 0 -
1 1 / 1 1 / 0 2).
« Le Liv re de Style no us inv ite à emplo y er [...]. Emplo y o
ns-le sans hésiter » (1 2-1 3 / 0 1 / 0 3 ).
« Le Mo nde , c o mme l’indique so n Liv re de Style [...]. La
“Une” [...] a pu do nner l’impressio n d’enfreindre c ette règle » (3 0 / 0 8
et 1 / 0 9/ 0 4).
« La règle, affirmée par le direc teur de la rédac tio n dans Le
Liv re de style ... » (1 8-1 9/ 0 1 / 0 4).
« Telle qu’elle figure dans so n Liv re de Style ... » (1 7 -1 8/ 0
4/ 0 6).
10 Le médiateur
c o nsac re même une
c hro nique entière en
20 0 4, ex c eptio nnellement sans auc une « saisine » de lec teurs, à c
e qu’il appelle la
« tro isième étape » - après reno nc iatio n en interne de princ
ipes en 1 995 et la public atio n
en kio sque du Liv
re de
Style en 20 0 2.
En fait, une
« bible édito riale » v enait
d’être pro po sée en 20 0 4 aux rédac teurs sans do ute, mais
d’abo rd aux éditeurs7
- « un v o
lumineux v o lume »
: Edite r Le Mo
nde,
bénéfic iant de préc édents
« améric ains no tamment ».
I l y est no tamment questio n des « c inquante-six po
ints à v érifier av ant d’env o y er « un tex te au c entral » [i.e ., la rédac
tio n en c hef] et des [...] v ingt-sept po ints à v érifier av ant d’env o y
er une page o u une image ». Sans en être dupe - « sera-t-elle o uv erte en
permanenc e sur le bureau de c haque rédac teur ? On peut en do uter » - le
médiateur en appelle
à la v igilanc e
des jo urnalistes po ur
qu’ils prennent c o nsc ienc e
des « règles qui c o nc ernent l’ensemble des jo urnalistes », c o mme par ex emple
les manières de
« no mmer les
perso nnes », d’« év
iter les redo ndanc es » o u de c o
nstruire un artic le (l’o pusc ule rev ient sur les fameux 5
W po ur « l’attaque d’info »). La c hro nique lui permet aussi, ex
emples à l’appui, de rappeler à la rédac tio n en c hef en c harge de la « une
»8 qu’elle n’a pas à s’émanc iper des «
règles » do nt elle demande aux simples rédac teurs la stric te applic atio n
(1 3 -1 4/ 0 6/ 0 4). Le Liv re de Style o u Edite r Le Mo nde
o nt beau
être des « bible », « bible édito riale » o u « v o lume [qui] c o
difi[e] les règles et usages du jo urnal » (1 3 -1 4/ 0 6/ 0 4), ils ne
sauraient c ependant fix er to utes les
limites du c o ntrô le : «
Je ne m’appuie pas sur un tex te
qui définirait mes préro gativ es
et leurs limites.
Je ne m’en
plains pas, l’absenc e
de rè gle s préc ises rendant la
fo nc tio n plus stimulante, av ec l’impressio n de l’inv enter en marc hant »
(29-3 0 / 0 4/ 0 1 )9. C’est aussi la pro pre définitio n de so n rô le qui se
c o nstruit par emprunt à des c atégo ries de l’o rdre juridique. I
l se définit parfo is c o mme un « intermédiaire »1 0, mais av ant to ut c o
mme un « juge de paix »1 1 , ex c eptio nnellement c o mme un « av o c at »1 2
et refuse d’être c o nsidéré c o mme un « arbitre » (29-3 0 / 0 4/ 0 1 ).
11 Ces premiers repérages l’indiquent
: le médiateur ado pte bien un langage de la règle. I l po urrait être o bjec
té que to ut langage de c e ty pe ne s’insc rit pas fo rc ément, o u pas seulement, dans l’univ ers du dro it. A insi, parmi d’autres so c io lo
gues, Pierre Bo urdieu a-t-il suffisamment indiqué que le mo t règle était
ambigu-faut-il entendre là un
princ ipe de ty pe
juridique, un ensemble de régularités o bjec tiv es, un mo
dèle c o nstruit par le c
herc heur po ur rendre c o mpte du jeu (v o ir par ex emple,
Bo urdieu, 1 987 : 7 7 ; v o ir aussi,
dans une autre o ptique, Ogien, 20 0 7 :
27 3 ) ? Sans do ute le v o c able peut-il rec o uv rir c hez le médiateur des
ac c eptio ns qui ne so nt pas to utes superpo sables - entre par ex emple la
règle dite « déo nto lo gique » et c elle dite « pro fessio nnelle », les
différenc es ne so nt pas négligeables. Pierre Bo urdieu (1 980 : 298) ajo
utait aussi - no n sans
pertinenc e-qu’il y av ait lieu
de ne jamais
o ublier que le langage
de la règle,
c et « asile
de l’igno ranc e »
disait-il av ec féro c ité, fo nc tio nne c o mme un v éritable piège. I l ne permet en rien « d’enfermer la raiso n et la raiso n d’être des pratiques ». C’est « que le piège le plus subtil réside sans do ute dans le fait
que les agents rec o urent v o lo ntiers au langage de la règle [...], po ur ex
pliquer une pratique so c iale qui o béit à
de to ut autres princ ipes, dissimulant
ainsi, à leurs pro pres y eux , la v
érité de
la maîtrise pratique c o mme do c
te igno ranc e , c ’est-à-dire c o mme mo de de c o nnaissanc e pratique qui
n’enferme pas la c o
nnaissanc e de ses
pro pres princ ipes » (Bo urdieu,
1 980 : 1 7 4).
Le rappel est salutaire. Mais
il n’interdit pas, justement, de saisir les resso urc es
qu’o ffre au médiateur le rec o urs au v o c able de règle et d’ajo uter que c
e n’est pas po ur rien qu’il do nne, sans fo rc ément en
av o ir c o nsc ienc e, une c o lo ratio n juridique au terme de
règle.
Entre étonnements et évidences
12 L’éto nnement
po urrait to utefo is affleurer à la lec ture de billets dans lesquels si so uv
ent le médiateur dit se fo nder sur des règles qu’il pense dev o ir rappeler o
u faire c o nnaître. Beauc o up de jo urnalistes so nt en effet so uv ent c
ritiques, v o ire très c ritiques, v is-à-v is de to ute fo rme d’interv entio
n qui leur dirait c e que dev rait être le
« v rai » jo urnalisme et, en partic ulier, qui leur
dirait
publiquement c e qu’ils seraient suppo sés faire et, surto ut, ne pas faire1 3. Et
c ’est po urtant bien c e à quo i tend to ut disc o urs prétendant
dégager des règles. Dans l’univ ers des gens de presse, la respo nsabilité
indiv iduelle est c ependant très so uv
ent mise
en av ant c o mme
parango n de la v
ertu jo urnalistique. Co mme l’a so uligné
Cy ril Lemieux (1 992) la mo rale
jo urnalistique se v eut d’ex c eptio n. Ce n’est pas que les jo
urnalistes se penseraient c o mme n’étant pas respo nsables de
leurs ac tes. C’est
en fait que
leurs ex igenc es c iv iques d’indépendanc e - ils peuv ent se
penser c o mme garants de l’espac e public -, les auto riseraient autant que de
beso in à transgresser les « bo nnes » manières, règles et usages o rdinaires
dans la rec herc he de la « v érité ».
13 Ce n’est pas
to ut. Des c herc heurs s’intéressant aux pro c essus de c o dific atio n des
pratiques jo urnalistiques o nt pu so
uligner que c elles-c i ne peuv ent
se réduire à un c o rpus de règles qu’un ac teur, institutio n o u gro upe
auraient
fo rmalisé. L’identific atio n est
peu aisée, en c o nséquenc e la
transmissio n est impo ssible ; l’ac te jo urnalistique est en
effet d’abo rd indiv iduel do nc no n généralisable. To ut
pro c essus de c o dific atio n serait
do nc v o ué à l’éc
hec . Gérard Co rnu et Denis Ruellan
(1 995 : 1 5 1 ) éc riv ent que
« la plupart des pratiques jo urnalistiques [...]
ne so nt pas c o dées au sens o ù elles ne fo nt pas l’o bjet d’une
identific atio n c laire, et
de c e fait
transmissible ». Et de
po ursuiv re : « L’ac te jo urnalistique est tro p intimement régi par des
resso rts de niv eaux indiv iduels
o u restreints po ur
que l’o n imagine
un jo ur une ho mo généisatio n de ses pro c édures »
(ib id).
14 Malgré to
ut, le
rec o urs du médiateur au langage de
la règle ne do
it pas éto nner o utre mesure. Po ur
plusieurs raiso ns. C’est qu’en le faisant- première raiso n -, Ro
bert So le fait
direc tement éc ho à
la c harte déo nto lo gique du Mo nde . Elle préc ise que le médiateur «
v eille à l’applic atio n, par la rédac tio n, des rè gle s
jo urnalistiques éno nc ées dans
le liv re de
sty le. Ces règles
définissent le c o ntrat de lec ture établi av ec les lec teurs »1
4. Deux ième raiso n :
l’ac tuel médiateur s’insc rit
dans les pas
de so n prédéc esseur, Tho mas Ferenc zi, qui faisait de même mais
av ec une mo indre intensité (il insistait aussi sur une c atégo rie de règles
rarement no mmées c o mme telles par Ro bert So le, les règles dites « rédac
tio nnelles »). Mais une dernière raiso n permet de v o ir que la démarc he du
médiateur est so mme to ute attendue. To us les spéc ialistes de déo nto lo gie
tendent à faire de même, que c e so it dans les univ ers pratiques o u sav ants1 5.
La déo nto lo gie jo urnalistique paraît rimer
(o u dev o ir rimer) av ec l’ex istenc e de « règles ». La
plupart emplo ie sans guère de préc isio n des mo ts a prio ri pensés c o mme
sy no ny mes. « Règles », « no rmes », « princ ipes » o u, plus largement, c o
mme l’éc rit un spéc ialiste, « c e qui “se fait” et “ne se fait pas” »
(Bertrand, 1 999 : 24) paraissent en effet renv o y er à des lo giques plus o u
mo ins identiques, c hac un s’ac c o rdant, de to ute faç o n, à so uligner
leur faible effec tiv ité. Mais plus le degré d’o bjec tiv atio n dans un tex
te no mmé « c o de » o u « c harte » paraît fo rt, plus l’usage du terme de «
règles » paraît aller de so i. Plus préc isément, les seuls v o c ables de
« c o des » o u «
c hartes » semblent induire c
elui de « règle », sans que les utilisateurs de c es termes ressentent le beso
in de le préc iser L’usage paraît aller sans dire.
Le langage juridique comme ressource
15 Sans do
ute le langage de la règle n’est-il pas d’abo rd, dans les pro po s du médiateur, un langage
pro prement juridique. I l ne v
ise pas des pratiques enc adrées par
le dro it et
susc eptibles de sanc tio ns
établies en c as
de manquement, en deho rs du régime juridique des dro its de répo nse
qu’il peut abo rder à l’o c c asio n (29-3 0 / 0 3 / 99), c elui
du sec ret de
l’instruc tio n (22-
23 / 1 1 / 99) o u c elui
de la pro tec tio n
des so urc es (3 0 / 0 8-0 1 / 0 9/ 0 4). Le médiateur ne dispo se d’ailleurs d’auc un
po uv o ir de sanc tio n des jo urnalistes en deho rs de c elui, év idemment no
n négligeable, de la répro batio n publique. Finalement, le v o c able « règle
» rec o uv re, dans ses pro po s, des signific atio ns plurielles qu’il égrène
lui-même dans un billet : « La qualité d’un jo urnal, éc rit- il, dépend en
grande partie des règles qu’il s’est fix ées - et
qu’il applique. Règles mo
rales, pro fessio nnelles, rédac tio nnelles, ty po graphiques... » (1 3
-
1 4/ 0 6/ 0 4).
16 En fait, c e
so nt surto ut des règles d’éc riture qui sc andent ses c hro niques o u, po
ur le
dire mieux , des
règles qui s’ex priment dans et
par l’éc riture. Pas seulement les règles du « bo n » franç
ais qui lui tiennent tant à c œur (Legav re,
20 0 6). Plus largement, des règles d’éc riture de presse qui permettraient de distinguer des « bo nnes
» et des « mauv aises » pratiques - par ex emple, c iter
o u titrer d’une
c ertaine faç o n, ado pter une c
ertaine po sture en interv iew, do nner
dans un artic le la paro le de manière équilibrée aux parties prenantes et, en
fait et so uv ent, ado pter la « bo nne
» rhéto rique au « bo n » endro it, c
’est-à-dire dans la bo nne « rubrique » (« Spo rt », « Franc e » o u « Rendez-
v o us »...) o u en fo nc tio n du genre v isé (la c hro nique judic iaire,
l’édito rial o u l’interv iew...). Et c ’est là un parado x e apparent : c es «
bo nnes » règles qui ne so nt pas des règles pro prement juridiques so nt éno
nc ées par le médiateur en rec o urant à la métapho re juridique, fusse de
manière ludique. A insi, au c o urs d’un entretien, le médiateur peut-il av anc
er : « C’est une jurisprudenc e qui se fait en marc hant. I l m’arriv e po ur
m’amuser de faire d’ailleurs des règles mo i- même, en
disant, dans ma to
ute dernière c hro nique
par ex emple :“le médiateur n’est pas habilité à... ”,
mais c ’était une plaisanterie. Cela me permet de faire
c e que je v
eux . C’est to ut
l’intérêt de c ette fo nc tio n,
c ’est qu’elle s’inv ente en c e mo ment. Je ne me fo nde pas sur un mo
dèle » (entretien, mars
20 0 3 ).
17 Peu impo rte
ic i que c ette v isio n
héro ïque d’un rô le,
c ertes enc o re peu institutio nnalisé, so it sans grand
rappo rt av ec une réalité
« déjà là », et
le médiateur le « sait » : au Mo nde , le po ste a déjà été o c c upé
par deux titulaires fix ant un c adre
à la pratique
; il s’inspire ex plic itement de c
ertaines médiatio ns étrangères plus que de d’autres (Ferreira Maia, 20 0 4b) ;
il ex iste en Franc e des médiateurs de presse en deho rs du Mo nde ; une o
rganisatio n mo ndiale des médiateurs
- l’ONO (Organizatio n o f Ne
w s Omb udsme n) - partic ipe à la définitio n de la « bo nne
» médiatio n de presse en mettant en sc
ène des débats entre médiateurs ; en juin 20 0 6, s’est aussi c ré e le c lub
des médiateurs de la presse franç aise
et, plus largement enc o re, le rec o urs à la médiatio n est aujo urd’hui un
dispo sitif c ro issant de régulatio n dans quantité d’univ ers so c iaux
. En d’autres termes, le
médiateur n’est pas un démiurge inv entant un rô le sans repères.
18 Et c e qui c
o mpte ic i est que, finalement, le médiateur dit en c reux qu’un rô le ay ant
po ur fo nc tio n de public iser c e que so nt les pratiques de presse n’a pas
une pano plie langagière
si v aste à
sa dispo sitio n. Po ur
l’éc lairer, il faut préc iser que le médiateur n’est pas
dans une situatio n habituelle à l’univ ers médiatique : les jo urnalistes
parlent peu de leurs pratiques, les mettent peu en sc ène, do nnent
à v o ir des
résultats (un repo rtage,
un c o mmentaire, une analy se...) plus que des pro c essus (de
rec herc he d’info rmatio n, de négo c iatio n av ec les
so urc es o u av ec
la hiérarc hie, de
gestio n des c o nc urrenc es jo urnalistiques, des
définitio ns de la « bo nne » ac tualité). En so mme, le fait même de c o
mmuniquer sur l’interne, d’ho no rer les « bo nnes » pratiques o u de
stigmatiser les « mauv aises », en s’appuy ant sur des paro les ex ternes (des c o urriers de lec
teurs qui serv ent
de fo ndement à
ses c hro niques) paraît l’o bliger à retenir le langage de la
règle et alo rs même que ses so c ialisatio ns antérieures, en partic ulier sc
o laires, ne paraissent pas le prédestiner à aller en c e sens sans même y
penser- il n’a pas, en partic ulier, de fo rmatio n juridique ; il est entré,
juste après so n bac c alauréat à l’Éc o le supérieure de jo urnalisme (ESJ) de
Lille ; il est par ailleurs l’auteur de plusieurs ro mans.
19 To ut se
passe c o mme si c elui qui, dans un univ ers so c ial, se pro po sait de c
lasser des pratiques
pro fessio nnelles av ec une v
isée déo nto lo giquement affirmée et, c
e faisant, se dev ait
de pro duire de la généralité, n’av ait guère d’autre c ho ix que de mo biliser c e
ty pe de langage tendanc iellement juridique. Et la métapho re juridique n’est
pas to ut à fait o rdinaire dans la c o nstellatio n de c elles - fo rt no
mbreuses - sur lesquelles no us appuy o ns quo tidiennement no s raiso
nnements. Sans do ute, du langage le plus c o urant et le plus quo tidien au
langage en sc ienc es so c iales, les usages des métapho res o u des analo gies
so nt no mbreux et pas équiv alentes. Mais, à c haque fo is, il s’agit bien de
dire
« quelque c ho se [...] en termes de quelque c ho se d’autre »
(Lako ff Jo hnso n,
1 986 : 1 5 ), finalement de to ujo urs ro mpre av ec quelque c ho
se - c e quelque c ho se étant no s langages c o mmuns po ur no mmer c e que no
us ne parv eno ns o u ne so uhaito ns pas, po ur des raiso ns bien différentes,
à no mmer dans so n immédiateté.
20 En
définitiv e, plus que
d’autres, la métapho re
juridique permet de distinguer, de hiérarc hiser, de c lasser, de
mettre de l’o rdre, de fo
urnir des repères. De c o njurer, enc o
re, en « mettant des fo rmes », c o mme l’o n dit, à une situatio n gro sse
de v io lenc e po tentielle
- « il y
a une v ertu
pro pre de la fo rme »,
éc riv ait enc o re Pierre Bo
urdieu (1 987 : 96) dans un artic le
sur la c o dific atio n. C’est que le
médiateur, c e « traître institutio nnel » disait jo liment un anc ien
médiateur po rtugais (Mesquita, 1 989 :
292), en stigmatisant des pratiques jo urnalistiques jugées dév iantes, do it
se garder de perdre le so utien de la rédac tio n do nt il a beso in po ur trav
ailler, se légitimer, et impo ser so n pro pre pro jet édito rial (Legav re, 20 0 7 ). Co mme Ro bert So le l’éc rit dans sa dernière c hro nique, « le médiateur
est régulièrement pris entre deux feux : so upç o nné par des lec teurs de serv
ir la so upe, il peut se v o ir ac c usé
par la rédac tio n de c rac her dans la so upe » (0 5 -0 6/ 1 1 / 0 6).
21 Et le dro it
c o nstitue bien une rhéto rique pro tec tric e po ur c elui qui sait s’en
saisir C’est qu’elle est une rhéto rique de l’auto no mie, de la neutralité et de l’univ ersalité (Bo
urdieu, 1 986 : 5 ). La médiatio n en
bénéfic ie, par emprunt plus o u mo ins
impensé et bric o lages o rdinaires. Le langage de la règle permet ainsi au
médiateur de se c o nstruire c o mme un « v rai » intermédiaire : il ne se
présente pas c o mme jo urnaliste, il n’est pas no n plus un lec teur o
rdinaire. I l peut du c o up
parler du jo urnalisme av ec
hauteur L’auto no mie ainsi rev endiquée- il n’est pas suppo sé
être un agent de relatio ns publiques o u un po rte-paro le des lec teurs -
rend po ssible c ette prétentio n à
la neutralité. I l peut d’autant plus
aisément parler de situatio ns lo c alement situées (tel artic le de tel serv
ic e du Mo nde ) qu’il paraît se saisir de règles fo rgées par d’autres que lui
(des « règles que le Mo nde s’est fix ées », c o mme il l’éc rit so uv ent ; o
u, plus largement enc o re, des règles qui paraissent c o nc erner l’ensemble
des gens de presse). Ce so nt
autant de c o nditio ns
à c ette prétentio n
à pro duire de l’univ ersel... des règles.
22 On c o mprend
peut-être mieux ainsi l’intérêt qu’il peut av o ir à mo
biliser c ette métapho re. D’autant plus qu’en no us disant au fil des semaines
que le jo urnalisme n’est pas un ex erc ic e
libre, parc e qu’il a des règles et
que les rédac teurs ne peuv ent
prétendre faire c e que bo n leur semble, il pro duit plus
aisément des limites qu’il ex plic ite.
Tracer des limites
23 En répo ndant
publiquement aux lec teurs, le médiateur peut déno nc er des éc arts à la no
rme de pratiques jo urnalistiques qui lui paraissent dév iantes. I l lui arriv
e aussi de défendre des rédac teurs stigmatisés, de so n po int de v ue
injustement, par les sc ripteurs. C’est to ujo urs l’o c c asio n de rappeler
dans ses c hro niques une o u plusieurs règles du « bo n » jo urnalisme et, c e
faisant, de pro duire un trav ail
de c lassement. A utrement
dit, so n ac tiv ité
peut être analy sée c o mme
partic ipant à la c o nstruc tio n de quelques-unes des fro ntières de so n ac
tiv ité pro fessio nnelle. Cette entreprise passe par une définitio n de la
« bo nne » info
rmatio n et, plus
enc o re, par une ex
plic itatio n des ty pes d’info rmatio ns et d’éc ritures de presse
ac c eptables en fo nc tio n des
genres jo urnalistiques v isés. I l c o nsac re en effet beauc o up de so n
temps à rappeler c e que do it être le traitement de l’info rmatio n au Mo nde
. I l aime so uligner, en
partic ulier, que l’éc riture
jo urnalistique n’est pas fo rc ément identique dans to utes les
rubriques.
Les limites de la « bonne »
information
24 Les qualités
de la « bo nne » info rmatio n, telles qu’elles so nt présentées par le médiateur,
peuv ent ne pas surprendre. Mais c ’est to ujo urs à leur aune que so nt jugés
les artic les inc riminés. L’o rdo nnanc ement est (très) situé. I l renv o ie
à c e que Jean-Marie Charo n (1 994 : 5 5 ) appelle « une figure d’un jo
urnalisme emblématique », c elui de la presse d’info rmatio n po litique et
générale, en to ut c as la définitio n
que so uhaiterait en
retenir Le Mo nde
après 5 0 ans de
sédimentatio n édito riale.
25 Le médiateur
est lo in d’être se ulement le gardien de l’anc ien Mo nde . Dans ses billets,
il est so uv ent c ritique v is-à-v is de la rédac tio n en c hef (Legav re,
20 0 7 ). Mais il est
aussi le tenant d’une c ertaine o rtho do x ie. I l e xe rc e
au Mo nde depuis près de quarante ans et il en est to ujo urs salarié :
il a do nc to ute c hanc e d’adhérer aux c ro y anc es pensées c o mme c o
nstitutiv es d’un quo tidien
« de référenc e ». I l
aime d’ailleurs so uligner que l’appartenanc e au Mo nde c o nstitue un
lien distinc tif qui,
to ut autant qu’il
do nne des o bligatio ns, réac tiv e le sentiment de
partic iper à une « œuv re » c o mmune et v alo risante. A u fil de ses c hro
niques, le médiateur rappelle à to us c e qu’est suppo sé être Le Mo nde et c e
qu’il impo se à ses serv iteurs, en partic ulier la grandeur de ses c harges. Rien de no uv eau,
à dire v rai : il y a déjà plus de 20 ans, Jean-Gustav e Padio leau filait
l’analo gie religieuse et
égrenait, iro nique :
« sac erdo c e »,
« magistère »,
« prière »,
« o ffic e »,
« église »
« fidèles », « effluv es de religio sité » (Padio leau, 1
985 : 1 0 3 en partic ulier).
26 Parmi
d’autres quo tidiens, Le Mo nde est ic i présenté - dans le déso rdre - c o mme un jo urnal de « référenc e
» (25 -26/ 1 0 / 0 4) ; « un jo urnal traitant d’abo rd de
l’ac tualité » (0 8-0 9/ 0 9/ 0 2) ; un jo urnal
« po litique » (21
-
22/ 0 5 / 0 1 ) ; un jo
urnal « indépendant
» (25 -26/ 0 6/ 0 1 ) ;
un jo urnal
« d’o pinio n et d’o pinio ns » (1 2-1 3 / 0 7 / 99) « qui se v eut
aussi un espac e de libertés po ur ses rédac teurs » (1 2-1 3 / 0 7 / 99) ; «
un jo urnal sélec tio nnant et hiérarc hisant
» (1 1 -1 2/ 0 6/ 0 0 ) ;
un jo urnal « ho
nnête et
équilibré » (1 2-
1 3 / 0 7 / 99) ; un jo urnal « fiable » (6-7 / 0 9/ 99) ; un jo
urnal « qui se reno uv elle c o nstamment » (1 3 -1 4/ 1 2/ 0 4) ; etc .
27 L’affirmatio
n des qualités du quo tidien s’ex prime, plus largement, par le rappel sy stématique de l’ex istenc e
de c o uples no tio nnels. I ls dessinent un espac e rhéto rique. L’illustrer de no
mbreuses c itatio ns rendrait lassante la lec ture, tellement ils sc andent les c
hro niques du médiateur Ces no tio ns so nt po urtant essentielles.
Elles c o nstituent autant
de po larités fo rmant
des bo rnes, délimitant des
po ssibles et des
pensables po ur des
rédac teurs suppo sés, c o
mme l’éc rit av ec
grandilo quenc e le médiateur,
« tendre v ers l’ex c ellenc e » - Ro bert So le
n’hésite pas à y v o ir, « depuis les o
rigines, so n
ambitio n, po ur ne pas dire sa v o c atio n »1 6 (0 6-0 7 / 0 9/
99).
28 La première
bo rne indiquée est
v alo risée. Elle éc laire
l’ho rizo n des pratiques à suiv
re ; la sec o nde est rejetée :
Tableau 3 : Les polarités du métier de journaliste.
• la distanc e v e rsus l’engagement (« les rédac teurs du Mo nde
ne so nt ni des militants d’une quelc o nque c ause, ni des pro phètes, ni des
justic iers. I ls so nt là av ant to ut po ur info rmer » - 3 0 -3 1 / 0 1 / 0
3 ) ;
• l’argumentatio n v e rsus
l’affirmatio n (« les
phrases simplific atric es ne c o nv iennent pas à un débat aussi c o
mplex e » - 1 1 -1 2/ 0 1 / 0 4) ;
• l’impo rtant et
le signific atif v e rsus
la tentatio n de
« surv endre », en
partic ulier en « une », po
ur séduire («
“surv endre” un artic le
pro v o que to ujo urs des déc eptio ns et des suspic io ns » - 0 9-1 0
/ 0 4/ 20 0 0 ) ;
• l’info rmatio n v e rsus
la rumeur («
le rô le des jo
urnalistes n’est pas de
rappo rter des rumeurs mais de do nner des info rmatio ns » - 0 8-0
9/ 1 0 / 20 0 0 ) ;
• la rév élatio n de
faits déc isifs v e rsus
leur o missio n no n maîtrisée (« rien n’ex c use c e
manquement à l’info rmatio n, même
s’il se tro uv e
animé des meilleurs sentiments »
- 0 2-0 3 / 0 6/ 0 2) ;
• un artic le po ur to us les lec teurs v e rsus po ur une frac tio
n (« un jo urnal n’a pas po ur v o c atio n à se transfo rmer en mo dules
[...]. Menu unique, do nc » -
0 8-0 9/ 1 0 / 0 2) ;
• la c o nc isio n v ersus la dilutio n (« l’inflatio n reste une
menac e : inflatio n de mo ts dans un artic le, o u d’artic les dans un do
ssier. I I est to ujo urs tentant de dire en deux pages c e qui tiendrait très
bien en une seule. Co mme si la qualité se mesurait à la surfac e o c c upée -1
8-1 9/ 0 5 / 0 3 ) ;
• la c o mpréhensio n immédiate v e rsus la c o mplex ité de l’éc riture (« l’artic le c o ntenait sans
do ute tro p d’idées
po ur tro p peu
de lignes. Des fo
rmules c o mpliquées... » - 0 2-0 3 0 4/ 20 0 0 ) ;
• la maîtrise du « bo n » franç ais v ersus le relâc hement en la
matière (« quant à l’appauv rissement de la langue, il se traduit par des
répétitio ns de mo ts dans un même paragraphe,
o u [...] par
une réduc tio n de
la palette des c o uleurs :“ro uge” o u “bleu”
o nt tendanc e à se substituer
à grenat, c armin,
po urpre, éc arlate, azur émeraude, turquo ise... » (1 1 -1 2/ 0 8/
0 2).
29 Deux autres
c o uples no tio nnels au mo
ins méritent d’être
présentés. La hiérarc hie n’est pas
ic i autant marquée. Mais leur
éno nc é rappelle que le trav ail
du médiateur c o nsiste
aussi à séparer
des manières d’éc rire
et de
penser le jo urnalisme « à la franç aise » dans un quo tidien de «
référenc e » :
Tableau 4 : Penser le journalisme dans un quotidien de référence.
• les faits
v e rsus le c o mmentaire («
Ne pas mélanger
les faits et le
c o mmentaire » - 0 7 -0 8/ 0 9/ 98 - ; « c ’était tro p so uv ent le c as dans
l’anc ienne fo rmule [...], parc o urir des kilo mètres d’analy se et de c o
mmentaire av ant de tro uv er enfin l’info rmatio n » - 20 / 0 9/ 99) ;
• l’enquête v e rsus le c o mmentaire (« On [i.e . les rédac teurs]
dev rait prendre le temps de s’info rmer c o rrec tement » - 0 1 -0 2/ 0 4/ 0 1
; « o n attend du Mo nde une enquête
» - 1 8-1 9/ 0 2/ 0 2 ; «
au c o urs de c e feuilleto n lamentable, o n aurait aimé
que Le
Mo nde se distingue plus so uv
ent par so n o bstinatio n à
v érifier les faits, par sa retenue o u par so n silenc e » -
28-29/ 0 9/ 0 3 ).
30 C’est bien
d’un usage ty pique
de l’ellipse do nt
il s’agit là,
» so rte de médiatio n furtiv e qui o blige le lec
teur à ne c o nsidérer que les éléments do nt elle rend c
o mpte », po ur
reprendre la définitio n
qu’en pro po se Magali Pro dho mme (20 0 6).
A naly sant Le Liv re
de Style du Mo
nde qui
en est parc o uru, elle so
uligne, dans so n o uv rage sur la déo nto lo gie jo urnalistique, que le pro c
édé permet en fait « d’asseo ir, sans nuanc e po ssible, la missio n du quo
tidien » (Pro dho mme, 20 0 6 : 3 21 ). Le médiateur se pro po se finalement de
trier et de distribuer I I so uligne ainsi en entretien, entre autres rô les,
qu’il est
« quelqu’un qui tranc he en disant :“On a eu raiso n, o n n’a pas
eu raiso n”, “un tel a raiso n, un tel a to rt” » (entretien, mars 20 0 3 ). I
l qualifie aussi so n trav ail
de « c o ntrô le de qualité » (0 7 -0 8/ 0 9/ 98).
Les limites des rubriques
31 Lo rsqu’il
s’attelle à séparer le « bo n grain de l’iv raie », le médiateur ne fo nde pas
aléato irement ses « jugements » sur les éno nc és présentés à l’instant. I l
le fait en situant
les rubriques o u
« genres »
du jo urnal o u,
po ur le dire autrement, les ty pes d’artic les qui struc
turent le c hemin de fer, c ’est-à-dire le plan d’ensemble du jo urnal
présentant les plac es des artic les et des public ités. Les c hro niques, surto ut
c elles des premières années
de so n
mandat (mais aussi dès lo rs
qu’une no uv elle rubrique
apparaît), so ulignent d’abo rd
à l’intentio n des lec teurs qu’un jo urnal est une suc c essio n de
rubriques do nt les paro les n’o nt pas les mêmes limites et lo giques. Les c
hro niques du médiateur se fo ndent to utes o u presque sur des c o urriers de
lec teurs. Mais elles peuv ent s’attarder
mino ritairement sur le
traitement c o ntesté en
tant que tel de
l’év énement. Le médiateur paraît préférer mo nter en généralité : il en pro
fite alo rs po ur so uligner que l’artic le inc riminé appartient à un genre o
u rubrique spéc ifique et que l’év aluatio n de la déno nc iatio n do it s’étay
er à l’aune de c ec i.
32 Si le
médiateur passe ainsi
en rev ue le c
hemin de
fer du Mo nde ,
c ’est év idemment dans le déso rdre, et au fil des ans. De la manc
hette à l’ensemble de la maquette de la « une », de l’édito rial à la néc ro lo
gie, de l’artic le de spo rt à la c hro nique télév isio n, du po rtrait au
repo rtage, de l’enquête à la c hro nique théâtrale o u music ale, de la c hro
nique judic iaire à la grille du jeu quo tidien, de l’entretien à la tribune,
du c o mmentaire à l’analy se, des anno nc es de naissanc e et de mariage à la
rubrique auto mo bile, de la pho to au dessin de presse, de la c ritique c inémato graphique au jeu
quo tidien, de la
page « Régio ns »
à la rubrique « I l y a 5 0 ans
dans Le Mo nde », des pages « Débats » o uv ertes à des
« ex pertises ex térieures »
(Nev eu, 1 993 : 1 4) aux lo giques de
l’info graphie do nt la présenc e est c ro issante, de la rubrique « to
urisme » au « v entre » de
« une », en passant par les suppléments « attrapes pub » o u la
mise en sc ène des enc arts public itaires, etc ., le médiateur dit et redit
que to utes les paro les jo urnalistiques
ne se v alent
pas, qu’en to ut
c as, elles ne
lisent pas identiquement et
qu’elles do iv ent év iter
les c hev auc hements po ur être c o mpréhensibles par les lec teurs.
33 En so mme, c
ette év idenc e a to ute c hanc e d’en être une po ur les seuls initiés,
plus enc o re à
une épo que o ù
les lec teurs o c c asio nnels de
la presse quo tidienne so nt de
plus en plus no mbreux . Et enc o re : si les c o urriers des lec teurs so nt
pro bablement éc rits d’abo rd par des lec teurs mo bilisés qui o nt to ute c
hanc e d’être le plus so uv ent des lec teurs réguliers, alo rs il est même po
ssible, en s’en
tenant aux interro gatio ns et
c ritiques des lettres sélec tio nnées par le
médiateur, de penser que même
le « no y au
dur » du lec to rat est lo in de maîtriser le pro
pre de la paro le jo urnalistique, c ’est-à-dire d’être no n pas une même paro
le se déplo y ant to ut au lo ng du jo urnal mais, au c o ntraire, une
c o mbinato ire de paro les
mises en sc ène
et enc adrées spéc
ifiquement et n’ay ant
pas la même
po rtée. La (les)
paro le(s) jo urnalistique(s),
c o mme to ute(s) paro le(s) pro fessio nnelle(s) et distinc tiv e(s), suppo se(ent) une
initiatio n que so nt lo in d’av o ir la plupart des pro fanes qui, du même c o
up, peuv ent à lo isirs se saisir
de my thes, c o mme c eux de » l’o bjec
tiv ité » par ex emple, po ur déno nc er des « manquements » qui so nt lo in
d’en être to ujo urs dans les représentatio ns pro fessio nnelles des jo
urnalistes. Co mme le résume le médiateur dans un billet : » A u Mo nde , il ex iste différents ty pes de tex
tes (artic les info rmatifs, analy ses, édito riaux , entretiens, rec
tific atifs...) po ur lesquels so
nt fix és un mo de d’éc riture, une fo rme de titre, une lo
ngueur et même une po lic e de c arac tère. On ne rend pas c o mpte de la même
manière d’un débat parlementaire, d’un c o llo que o u d’un pro c ès » (1 3 -1
4/ 1 2/ 0 4).
34 On ne po
urrait pleinement saisir c ette insistante pédago gie s’il l’o n n’av ait pas
en tête que l’ac tiv ité de médiatio n a bien une dimensio n ex plic
itement
info rmativ e. C’est aussi, c o mme le rappelait enc o re Pierre Bo
urdieu (1 987 :
97 ), que la prétentio n c o dific atric e s’insc rit
to ujo urs dans un pro c essus de c o mmunic atio n. Quelle qu’elle so
it, elle assure une c o mmunic atio n minimale, ic i une c o mmunic atio n entre les lec teurs et la
rédac tio n. Le médiateur dit d’ailleurs y ac c o rder une
grande impo rtanc e : « So uv ent, c ette c hro nique est le seul
lieu o ù l’o n
rév èle des c ho ses sur
le jo urnal. To ut
ç a est un peu
parado x al. Ce jo urnal a lo ngtemps été un c o uv ent, fermé, qui ne v o
ulait pas du to ut c o mmuniquer Et puis il s’est mis éno rmément à c o mmuniquer, depuis quelques années,
av ec des gens
c hargés de la
c o mmunic atio n. On c o
mmunique éno rmément, mais c ’est de la po litique de c o mmunic atio n. On c o
mmunique to ut c e qui est po sitif Finalement, c es gens là n’info rment pas sur
beauc o up de c ho ses. Et mo i, pendant c e temps, effec tiv ement, je do nne
des info rmatio ns qui intéressent
les lec teurs. Po sitiv es,
négativ es, purement info rmativ
es, c ela dépend. Mais je tro uv e
que l’intérêt, c ’est le lec teur
Le lec teur a env ie de sav
o ir c o mment Le Mo nde fo nc tio nne,
do nc je
le fais » (entretien, mars 20 0 3
).
35 Sans v iser
l’ex haustiv ité et sans
hiérarc hiser ; une
quinzaine de c as d’espèc es suffiro nt ic i à
saisir la po rtée do nnée par le médiateur à
c e qu’il c o nv ient d’appeler
dans un sens large, les lo giques fo rmelles du rubric age. En effet, c e
dernier do it être entendu c o mme une ac tiv ité de distinc tio n édito riale
permettant de c lasser et situer des
paro les - le rubric age est « une mise
en sc ène du sens des éno nc és », éc riv ent ainsi Mic hel Mo uillaud et
Jean-Franç o is Tétu (1 989 :63 ). I l permet, to ut en même temps, de hiérarc
hiser l’espac e, do nc de distribuer du po
uv o ir, et finalement
de do nner à v o
ir d’une
c ertaine manière un o bjet c o nstruit - le jo urnal. C’est dire que le
disc o urs du médiateur sur c e po int n’est pas ano din. Co mme l’éc riv ent c
es mêmes auteurs, « la mise en rubriques [...] transfo rme les c o ntenus du jo
urnal en “réalité” » (Mo uillaud,
Têtu, 1 989 : 65 ).
Tableau 5 : Des règles d’écriture.
• Le titre princ ipal de « une » est suppo sé être seulement info
rmatif. I l n’est pas un édito rial : «
Le lec teur est en
dro it d’ex iger qu’une manc hette so it ho nnête - en reflétant ex ac tement le
c o ntenu des artic les - et qu’elle ne so it pas un édito rial » (1 3 -1 4/ 0
5 / 0 1 ).
• L’édito rial ex prime une o pinio n mais do it être argumenté : »
Ex primer ses o pinio ns de manière
so lidement argumentée et
[...] se garder
d’un to n pérempto ire o u do
nneur de leç o n » (0 5 -0 6/ 1 0 / 98).
• La c hro nique c ulturelle n’a que l’apparenc e de la subjec tiv
ité : « La c ritique est mo ins subjec tiv e qu’o n ne le c ro it : “I l y a
une œuv re que l’interprète do it respec ter...” » (2/
3 / 0 4/ 20 0 0 ). Mais elle
a peu à v o
ir av ec
le reste du quo tidien : « C’est le rô le des fameuses
“c ritiques”, c es artic les inc lassables, auto risés à mêler
info rmatio n et c o mmentaire,
dans lesquels le jo urnaliste peut
émettre des jugements tranc hés » (28-29/ 1 1 / 0 5 ).
• Un dessin de presse peut ex agérer le trait : «
On lui ac c o rde une marge d’ex agératio n qui
ne serait pas
suppo rtée d’un autre
jo urnaliste » (20 -
21 / 0 4/ 0 3 ). Mais « dans Le Mo nde , pho to s et dessins ne se
réduisent pas à des illustratio ns déc o rativ es : c e so nt des info rmatio
ns o u des po ints de v ue à part entière, so umis aux mêmes v érific atio ns et aux
mêmes réflex io ns c ritiques que les artic les » (20 -21 / 1 2/ 0 4).
• Une néc ro lo gie ne do it pas c o mmenter mais rendre c o mpte
d’une v ie : elle
« do it priv ilégier les faits plutô t que le c o mmentaire » (0 1
-0 2/ 0 4/ 0 1 ) ; elle peut le faire av
ec une part de parti pris : « Dans le
c as d’un c réateur [...], ex primer de l’entho usiasme, av ec un peu de
tendresse, v aut mieux que des réserv es sur c e qui sera o ublié de to ute
manière » (29-3 0 / 1 1 / 99).
• Une c hro nique télév isio n n’a pas à c o mmenter les év
énements d’ac tualité :
« On ne lui demande pas de c o mmenter les év énements d’ac
tualité, mais leurs reflets télév isés. X a parfo is du mal à rester dans c e c
adre. Et il arriv e que sa plume griffe tro p fo rt et s’av enture » (1 2-1 3 /
0 2/ 20 0 1 ).
• Le s e nc arts de pub lic
ité do iv ent être bien séparés des artic les de fo nd. La public atio n d’un
entrefilet sur une « pilule de
l’éternelle jeunesse » : « Une public ité
? Sans do ute. Mais il fallait l’indiquer » (20 -21 / 0 4/ 20 0 3 ).
• Les pages « Débats » c o nstituent un espac e mesuré de
disc ussio n : « La public atio n
d’un po int de v ue [...] ne signifie pas que Le Mo nde appro uv e les thèses
de so n auteur [...]. L’équilibre des pages Débats ne se mesure pas au jo ur le
jo ur ; mais sur une c ertaine pério de. Et pas fo rc ément av ec des c hiffres
[...].
• C’est la musique de l’ensemble q ue l’o n retient. Les rédac
teurs du Mo nde n’y o nt pas leur plac e. I l ne s’agit pas de défendre des c
auses - et enc o re mo ins de régler des c o mptes - par le biais de plumes ex
térieures, mais d’o ffrir un espac e de disc ussio n o uv ert, ho nnête et
enric hissant » (1 1 -1 2/ 1 0 / 0 4).
• To utes les c
hro niques, c o mmentaires o u
autres analy ses ne so
nt pas suppo sés « c o ller » à une «
ligne » : « I l n’est pas interdit à des jo urnalistes de c o mmenter l’ac
tualité de manière disso nante .A insi, une c hro nique de... » (1 2-
1 3 / 0 3 / 0 6) ;
• La c hro nique judic iaire a des « règles stric tes » mais permet
aux rédac teurs c o nc ernés d’ado pter
« un sty le perso nnel »
: « Le jo urnaliste do it do nner l’impressio n d’av o ir assisté à
l’audienc e, mais il ne c ite pas les pro po s tenus ho rs préto ire, dans les
c o ulo irs du palais de justic e. Ces
règles très stric tes n’empêc hent pas c haque c hro niqueur judic iaire d’av o
ir so n sty le perso nnel » (1 3 -1 4/ 1 2/ 0 4).
• Le spo rt auto rise une éc riture mo ins stric te : « Le spo rt
fait rêv er [...]. Sans to mber dans le
ly risme, il faut rac o nter la c o
urse, éc rire c ette c hanso n de
geste » (1 1 -1 2/ 0 7 / 0 4).
36 Enc o re faut-il
bien v o ir que
le médiateur, en
distinguant des ty pes d’éc riture, ne c esse de c o mpter u
ne (des) histo ire(s), c elle(s) du Mo nde . Cette v o lo nté d’insc rire
les règles présentées
dans leur histo ric ité
- c e que ne
faisaient presque jamais ses prédéc esseurs - permet sans do ute à c hac un de
mieux saisir des lo giques héritées. So uc i pédago gique, une no uv elle fo is ? Sans
do ute. Mais pas seulement. I l faut y v
o ir aussi to ut un trav ail d’entretien de c ro y anc es dans
l’ex istenc e d’un passé
glo rieux à transmettre
à to us, aux lec teurs
sans do ute, mais
aussi aux rédac teurs.
I l y a
là sans do ute
une prétentio n à insc rire
de la c o ntinuité dans
la disc o ntinuité des
« refo ndatio ns » et autres c hangements d’équipes de direc tio n
(en 1 995 av ec la no minatio n d’Edwy Plenel, en 20 0 5 , av ec c elle d’Eric Fo tto rino ) do nt les
trac es s’insc riv ent ex plic itement
dans les no uv elles maquettes, fo rmules et c o rtège de
rubriques hier absentes.
Po ur c e faire,
le médiateur n’a guère beso in de puiser aux meilleures so urc
es : il est l’histo ire réc ente du jo urnal faite c o rps. Entré au Mo nde à
23 ans en 1 969 au to ut début de sa c arrière (il av ait auparav ant trav
aillé deux ans dans la presse quo tidienne régio nale), il est aujo urd’hui
l’un de ses jo urnalistes les plus anc iens, entré av ant les ac tuels direc
teur du jo urnal, direc teur de la rédac tio n et l’ensemble des membres de la
rédac tio n en c hef. Tro is « c o ups de pro jec teur », parmi d’autres po
ssibles, suffiro nt à s’en c o nv ainc re.
37
S’agit-il de c o mmenter
une c hro nique théâtrale
c o ntestée ? A v ant
d’en présenter les lo giques ac
tuelles, lo gic iel à l’appui
(« mo n premier réflex e, après
lec ture de c es lignes, a été d’interro ger la banque de do nnées du Mo nde .
Un simple c lic
sur la rubrique...
»), le médiateur
rev ient aux o rigines.
I l
raconte aux lec teurs l’histo ire de ce « célèbre » c hro
niqueur de l’après-guerre
- Ro bert Kemp, « membre de l’A c adémie franç aise » -quittant v
ite la salle de spec tac le (« alo
rs que
les applaudissements c
répitaient enc o re, il
rentrait rédiger c hez lui so n papier ») et, en pleine nuit, dépo sant
so n tex te terminé sur so n paillasso n à destinatio n d’un c y c liste du Mo
nde passant à so n do mic ile le matin à
sept heures. Une seule
fo is, il n’y parv iendra pas. C’était après la première d’En atte ndant Go
do t. « Déso lé, dit-il le lendemain au rédac teur en c hef, av ec l’humilité
d’un débutant - préc ise Ro bert So le, rappelant là en c reux la mo destie qui
sied aux c lerc s de papiers -je n’ai pas to ut c o mpris, mais je c ro is que
c ’est impo rtant » (1 4-1 5 / 0 1 / 0 1 ).
38 S’agit-il de c o mmenter un édito rial
c o ntesté par des lec teurs o u de répo ndre à la questio n réc urrente
d’autres lec teurs éto nnés qu’un édito rial ne so it pas signé ? Plusieurs fo
is, le médiateur y rev ient et pas seulement po ur ex plic iter ses lo giques
rhéto riques, c elles de la prise de po sitio n argumentée. A insi, dans c ette
c hro nique de 1 999 (1 2-1 3 / 0 7 ), ex plique-t-il l’év o lutio n du c o
ntenu et de la plac e du « Bulletin de l’étranger » (« puis “Bulletin” », av ant
de figurer sans titre - traitant essentiellement des questio ns internatio
nales ») paraissant en « une » (« la fameuse c o lo nne de gauc he ») jusqu’à
la réfo rme de 1 995 (qui un temps ado pte le do uble édito rial quo tidien). I
l en présente le pro c essus de
fabric atio n1 7 : il préc
ise que le tex te n’est pas signé, que le sujet est déc idé en
c o nférenc e de rédac tio n
le plus so uv ent
la v eille, que
« c o ntrairement à l’anc ien bulletin, qui était to ujo urs
rédigé par un rédac teur spéc ialisé », une
« équipe d’édito
rialistes po ly v alents s’en c harge
», so us le c o
ntrô le de la rédac tio n en c hef, «
la to uc he finale
rev ient au direc teur du jo
urnal. »
I l présente les c o nséquenc es de
l’ac tuelle fo rmule sur
le genre :
« En déménageant dans une page
édito riale, c o nç ue sur le mo
dèle de
la presse anglo -sax o nne, elle
a perdu à
la fo is so n c arac tère hy bride
et sa to nalité so uv ent très balanc ée. L’édito
rial se c arac térise par un to n plus inc isif et des affirmatio ns plus tranc
hées ».
39
S’agit-il, c o mme so uv ent,
de répo ndre à
des lec teurs qui c
ritiquent la manc hette de « une » ? I l
so uligne alo rs qu’elle est « rédigée généralement au dernier mo ment, dans l’urgenc e du bo
uc lage » (1 2-1
3 / 1 0 / 98). A u fil des
transfo rmatio ns v isuelles du quo tidien, il en présente les fo rmes po
ssibles et les traduit dans
un langage ac c essible
: « Selo n
la fo rmule ac tuelle,
elle n’o c c upe qu’une ligne, le plus so uv ent sur quatre c o lo nnes, so it six o u sept mo
ts au max imum » (1 2-1 3 / 1 0 / 98). Et il pense po uv o ir c o nstater un an
plus tard : « Les lec teurs
du Mo nde se so
nt habitués peu
à peu à
la no uv elle arc hitec ture de
la première page, qui c o mpte sy stématiquement un gro s titre en manc hette
». I l peut du c o up r ev enir sur le passé et c o mparer les anc iennes
des no uv elles lo giques
de fabric atio n :
« Les sav ants
do sages de jadis, c o nduisant à mettre c ô te à c ô te
plusieurs sujets en leur ac c o rdant une largeur v ariable, o nt c édé
la plac e à un c
ho ix c lair et
net : le thème
jugé le plus signific atif, le plus impo rtant o u le
plus frappant est nettement priv ilégié, par un
titre d’une ligne
sur quatre c o lo nnes,
ac c o mpagné de tro is
o u quatre
« puc es » ex plic ativ es » (1 1 -1 2/ 1 0 / 99). Ou, dans c et
autre billet, il so uligne que, « à la manière d’autres jo urnaux [...], Le Mo
nde a c essé de hiérarc hiser l’ac tualité
en première page
par des titres
de taille différente.
I l c o mpte déso rmais to us les
jo urs, une manc hette sur quatre c o lo nnes, quel que so it le thème retenu. Or,
la palette s’est beauc o up élargie, et
l’o n v o it en tête de
« une » des sujets qui n’auraient pas été jugés assez no bles jadis
po ur y figurer To ut est présenté de la même manière [...]. La v o lo nté d’ac
c ro c her le regard dans les kio sques est év idente. La fo rmule c ho isie -
un titre d’une seule ligne, en gro s c arac tères - o blige à la c o nc isio n
et c o nduit à des simplific atio ns. Or, pendant des
déc ennies, Le Mo nde
s’était distingué par
des fo rmulatio ns
prudentes et so uv ent
tarabisc o tées » (1 3 -1 4/ 0 5 / 0 1 ). Cette
v o lo nté de présenter « l’arc
hitec ture » du jo urnal et d’ado pter une pédago gie de la fo rme et du v o c abulaire spéc ialisé est presque c o
nstante. Une fo is enc o re po ur la
« une »
: « Graphiquement, la
première page du jo
urnal est à
peu près identique to us les jo
urs, sauf év énement ex c eptio nnel.
Elle c o mpte quatre “ é tage s” : une manc he tte , ac c o
mpagnée d’un dessin de Plantu ; un de uxiè me titre , plus petit ; une billet
appelé “ v e ntre ” , qui est c o nsac ré à un thème plus déc alé ; enfin une
analy se o u un po int de v ue, en re z-de -c haussé e . Dix à quinze
autres sujets so nt anno nc és, parfo is illustrés dans c ette v
itrine du jo urnal »1 8.
Et de préc iser
: « Ho rmis
le dessin et
l’analy se, auc une o pinio n
ne do it s’ex primer en “une” »
(1 2-1 4/ 1 2/ 0 4).
Conclusion
40 Si le
médiateur peut av o ir to ut intérêt à user de c ette métapho re de la règle, c
’est bien que c elle-c i peut adéquatement ac c o mpagner autant que mettre en
fo rme so n pro jet
inséparablement déo nto lo gique,
pédago gique et édito rial (Legav re, 20 0 7
; 20 0 8). Mais c ’est enc o re parc e
que la c ro y anc e
dans la pertinenc e du langage de la règle lui fait c ro ire que le trav
ail jo urnalistique est aussi un trav ail d’o rdo nnanc ement. I l ex prime là
d’abo rd une pulsio n de c hef ay ant quitté le terrain depuis bien lo ngtemps
et c o nc ev ant so n métier c o mme c elui d’une mise en fo rmes de paro les
jo urnalistiques éc rites o u rec ueillies par d’autres et hiérarc hisés par c eux
qui o nt la c
harge d’animer la
rédac tio n, c o mme le disent par périphrase c eux qui o nt la c apac
ité d’impo ser leurs v ues. Ro bert So le o c c upait des po sitio ns hiérarc
hiques depuis le milieu des années
80 . En c ela, so n pro
jet est
c o nditio nné par le « jo
urnalisme assis » qui le c arac térise.
L’o ppo sitio n av ec le « jo urnalisme debo ut », de terrain est plus
simplifiante que ne le pensent et le
disent beauc o up de spéc ialistes franç ais des médias qui en o nt fait une
des o ppo sitio ns majeures en l’impo rtant des trav aux de
Jeremy Tunstall (1 97 1 ).
Certes, to ut do nne
à penser que
les jo urnalistes passent aujo urd’hui un temps c ro issant dans les
rédac tio ns. I ls ne so nt pas po ur autant to us ho rs de leur terrain et
sans c o ntac t av ec des so urc es autres
que c elles pro v enant
des dépêc hes d’agenc es
o u c eux que
les spéc ialistes appellent pudiquement so urc es do c umentaires.
Simplement, c e jo urnalisme - et c e n’est pas rien - est déso rmais beauc o
up plus qu’hier fo ndé sur l’usage intensif d’un télépho ne tendant de plus en
plus à se substituer aux interac tio ns de fac e à fac e. Sans les remplac er c
o mplètement. Mais, au-delà, la distinc tio n entre jo urnalisme « assis » et «
debo ut » a c e grand av antage de rappeler
que le quo tidien d’une frac tio n de
jo urnalistes se définit d’abo rd
parto ut un trav ail de relec ture, de c o rrec tio ns, de titrage et
d’habillage - des sec rétaires de rédac
tio n o u éditeurs aux info graphistes, en passant par les direc teurs artistiques o u
autres... c hefs, préc isément. Hiérarc hiser
« l’ac tualité », mettre en fo rme(s) un c hemin de fer en plaç ant
les « papiers » dans des « fo rmes », c es emplac ements attribués aux rédac
teurs et o bjec tiv és par les lo gic iels
de presse, c ’est
aussi (d’abo rd ?)
unifier la div ersité
de pratiques rédac tio nnelles et leur do nner un c ertain o rdre. Et to
us les gens de presse n’y o nt pas le
même « intérêt », c ’est-à-dire n’y inv estissent pas les mêmes c ro y anc es.
Les jo urnalistes pro duc teurs de ty po lo gies de « genres » jo urnalistiques
o u présentant les lo giques des rubriques aiment v o ir dans leur tentativ es
de c lassement la seule ex pressio n d’un « jo urnalisme de métho de » qui réc
lamerait une « c o mpétenc e tec hnique » et, c e faisant, se départirait de
ses o rigines « littéraires » (A gnès, Cro issandeau, 1 97 9 : 3 7 -3 8). Po ur
eux , la maîtrise des div ers
genres rendrait po ssible «
la sûreté dans la
quête de
l’info rmatio n [...] et la qualité de l’éc riture » (A gnès, 20 0
2 : 1 87 ). En c e sens, c es ty po lo
gies seraient la
répo nse à «
une néc essaire fo rmalisatio n de l’ex périenc e en v ue de sa transmissio n
[...], c ette entreprise d’ex plic itatio n du trav ail jo urnalistique c o
nstituant] un effo rt po ur aller “v ers
un jo urnalisme mo ins empirique [...], o ù l’o n se préo c c upe de définir
des règles” » (Ringo o t, Utard, 20 0
5 :
27 ; c itant
A gnès, 20 0 4). Le
disc o urs sur les
« genres jo urnalistiques », préc
isent c ependant Ro sely ne Ringo o t et Jean-Mic hel Utard (20 0 5 : 28), est
to ut autant fo nc tio nnel que no rmatif- en partic ulier parc e qu’il fix e,
dans la c o nc urrenc e, le « bo n » jo urnalisme de l’épo que. En c ela, il
peut s’analy ser c o mme un « disc o urs
réflex if d’une pro fessio n
sur sa pratique disc ursiv e, les genres jo
urnalistiques définissant à la fo is des manières de faire et des raiso ns
d’être ».
41 Disc o urs réflex if
d’une pro fessio n ? Pas to ut à fait. Plutô t disc o urs réflex if hiérarc
hiquement situé d’une frac tio n jo urnalistique, c elle qui est en po sitio n
de le faire publiquement et qui, ic i c o mme ailleurs, ex prime une préro
gativ e de c hef o u de po rte-paro le. Pro duire de l’unité là o ù il y a de la div ersité et enc adrer la fluidité
des pro c essus so c iaux est pro bablement c e qui c o nstitue le no y au du
trav ail d’une hiérarc hie,
quelle qu’elle so it
et quelle que so
it l’o rganisatio n en c ause. En c ela, le disc o urs du médiateur sur le jo
urnalisme est l’ex pressio n d’un jo urnalisme de c hefs do nt, par définitio
n, il ne faut pas fo rc ément attendre qu’il parv ienne à
parler autant qu’à saisir les «
petites c ho ses » qui fo nt que
les rubric ards réussissent c haque jo ur
plus o u mo ins bien à faire c e qu’ils fo nt : pro duire un disc o urs
sur et av ec des so urc es qui tentent d’impo ser une c ertain v isio n de
l’histo ire en train de se faire. I ls le fo nt en fo nc tio n de c e qu’ils so
nt, do nc en partic ulier en fo nc tio n des so c ialisatio ns qui les o nt c o
nstruits et des lieux qui les struc turent. A utant de fac teurs qui
o nt to ute c hanc e d’éc happer aux médiateurs et aux médiatio ns
de presse...