il n’a pas de comptes à rendre
Les médiateurs n’ont pas de comptes à rendre, mais ceux de
la plupart des médias de service public ont l’obligation de rédiger un rapport
annuel d’activité : RFI, la RTBF, France 2, France 3, SRC Radio Canada.
Ce rapport reprend les motifs pour lesquels les médiateurs
ont été saisis et quelles
ont été leurs réponses.
Même s’il n’est pas embauché par la RTSR – Radio et
Télévision Suisse Romande –, ce travail de synthèse fait également partie des
missions du médiateur.
En général, les rapports sont consultables sur le site
internet du média concerné.
L’ombudsman d’Afrique du Sud, bien que ne dépendant d’aucun
organe de presse, effectue lui aussi ce travail.
le médiateur est armé
Zorro a un vieux cheval, un lasso, un flingue et un vieux
banjo. Mais de quoi dis- posent les médiateurs pour accomplir leur mission ?
Les « armes » sont variées selon les médias et les médiateurs.
La toute première arme s’impose comme « la » référence, un
document incontes- table : le code de déontologie (quand il existe,
évidemment). Qu’il soit commun à tous les médias, rédigé par un Conseil de
presse, ou interne à un média (RFI, France Télévisions, Radio Canada, Le Monde,
Sud-Ouest… disposent comme bien d’autres d’une charte de déontologie). Le médiateur
peut aussi disposer d’une chronique, d’une émission ou d’un blog. Favoriser le
dialogue en le rendant accessible à tous, en le partageant.
« la médiation prend pleinement son sens quand elle se
finalise à l’antenne. » marie-laure augry
Cette visibilité à l’antenne ou dans les colonnes permet de
fidéliser le public et de conforter le concept de médiation, même si la
médiatrice de France 3 émet une réserve : « il est difficile de fidéliser les
téléspectateurs avec une mensuelle, mais cela permet de consacrer plus de temps
aux réponses, de thématiser. L’émission devient un lieu d’échange, de réflexion
et prolonge le débat. La médiation prend pleinement son sens quand elle se
finalise à l’antenne dans un esprit de dialo- gue, d’écoute et de réflexion.
Les téléspectateurs sont très sensibles à cet espace de paroles qui leur est
réservé. C’est la concrétisation de leur rôle de partenaires d’une télévision
de service public. »
Evidemment, Internet permet de répondre aux courriels – la
grande majorité des saisines des médiateurs – mais aussi de diffuser des
courriers internes, des news- letters, pour susciter le débat au sein des
rédactions.
Petite précision pour mesurer l’ampleur des messages qui
transitent dans la boîte
des médiateurs…
A RFI, en 2002, le médiateur a reçu 77.000 courriels, soit
200 par jour. En 2006, ce chiffre a presque triplé : 200.000 courriels, soit
548 par jour.
En 2006, le service médiation de la RTBF en a traité 21.285.
« Il y a 2 ans je recevais environ 60.000 messages, aujourd’hui environ 100.000
par an », décompte Marie- Laure Augry.
Les chiffres sont moins impressionnants pour la presse
quotidienne régionale. Olivier Clerc, médiateur du Midi Libre, reçoit en
moyenne une dizaine de courriels par jour, parfois jusqu’à quarante ou
cinquante.
Au regard de cette progression, il semble bien qu’une «
culture de médiation » soit
en train de se développer entre les médias et leur public.
le médiateur est parfois… isolé
Cet isolement, qui peut être un peu lourd à porter, est à la
fois la cause et la garan- tie de son indépendance. Entre le public et ses
confrères, le médiateur est souvent confronté à la suspicion, voire
l’agressivité des uns et des autres.
Jean-Claude Allanic, ancien médiateur de France 2, reconnaît
« quelques prises de bec » avec certains journalistes de la rédaction : « Pour
les remarques positives des téléspectateurs, aucun problème. Mais dès qu’il
s’agissait de transmettre les criti- ques négatives, la médiation devenait
inutile, de la « connerie » même.
A Midi Libre, Olivier Clerc se dit tout juste toléré dans
certains services : « Ça fait partie du jeu ». Le médiateur n’est pas forcément
suivi dans ses remarques :
« Quelquefois je pique des colères parce que les
journalistes s’assoient sur le droit de réponse. Ils sont pourtant bien
contents que quelqu’un s’occupe pour eux des litiges, ils sont bien contents
d’avoir quelqu’un qui dépassionne le débat pour eux. »
Exposé en première ligne, le médiateur focalise aussi les
rancœurs du public, et le contenu des blogs est parfois édifiant. « Vous
appelez ça de la médiation ? Ce texte du médiateur est une honte… » Le
médiateur a intérêt à avoir les épaules solides.
Pas de reTraiTe Pour Zorro ?
Qu’est-ce que le médiateur a changé ?
A la fois peu de choses et beaucoup de choses.
Modeste, le médiateur s’avoue « rassuré et soulagé »
lorsqu’il réussit à initier un débat au sein de la rédaction sur des pratiques
journalistiques particulières.
France 2 a ainsi organisé un séminaire interne autour du
traitement de l’immigra- tion et des banlieues.
A France 3, le nombre de voitures brûlées pendant la crise
des banlieues de novembre
2005 n’a plus été donné à l’antenne : « Avec l’intervention
du médiateur, les rédactions de France 3 ont vite mesuré l’impact des images et
le risque qu’il y avait à provoquer la compétition inter-cités. Des réflexions
se sont engagées dans chaque rédaction, y compris celles qui n’étaient pas au
cœur de la tourmente. Une volonté est apparue, celle de tenter de porter un
autre regard sur ces quartiers défavorisés en mettant en valeur des initiatives
ou en adoptant des méthodes de travail différentes. Cette crise des banlieues
aura eu comme effet bénéfique de nous interpeller dans notre pratique
journalistique. » Effets réels mais homéopathiques au regret de la médiatrice.
A RFI, un livre d’antenne regroupe dorénavant les « bonnes
pratiques ». Prendre en compte les réflexions des téléspectateurs a également
permis au médiateur d’in- sister sur l’importance de la rectification des
informations.
« Chacun se sait plus responsable. »
renaud gilbert
Rendre plus responsable : au Canada, Renaud Gilbert, ancien
médiateur de Radio Canada, remarque les changements induits par sa présence : «
l’ombudsman infuse, dans tout le système de production et de diffusion de
l’information, le souci du res- pect des Normes et Pratiques Journalistiques,
et l’idée qu’il y a reddition de comptes. L’ombudsman n’a pas encore ouvert la
bouche, n’a pas encore écrit un mot que déjà chacun se sait plus responsable. »
Parfois à peine perceptible, la présence du médiateur a
modifié des comporte- ments. Ainsi, à Radio France Internationale, Loïc
Hervouet remarque que l’on sollicite ses conseils, a priori : « ce sont ici les
dirigeants de la station, là les représentants du personnel, voire tel
journaliste en questionnement vis-à-vis des pratiques du métier, qui
sollicitent mon avis avant d’émettre le leur ».
Modifier le code de la presse : l’ombudsman de la presse
sud-africaine est actuellement chargé de collecter les idées et suggestions
pour modifier le code national de la presse.
« l’image du journal a changé. »
olivier Clerc
Modifier le regard du public : « L’image du journal a
changé, ce n’est plus une forteresse, le journal est en mutation, il s’ouvre,
se dépoussière, se modernise », constate le médiateur du Midi Libre.
En prenant conscience, parce qu’on le lui explique, de la
difficulté de la fabrication des journaux ou des magazines d’information, le public
change progressivement son regard sur les médias. Dévoiler les débats internes,
révélateurs de l’attention collective à produire une information de qualité et
rendre publics les dessous de la « fabrique de l’info » peut démystifier les
procès d’intention, attester dans la plupart des cas que si l’erreur est
humaine, et parfois partagée, elle n’est pas toujours volontaire.
L’omniprésence d’Internet se place au cœur de la réflexion
sur l’avenir des médiateurs. En Belgique, Françoise De Thier évoque ainsi le
développement des blogs et des forums à la RTBF, prévu dans son contrat de gestion.
« Doit-il y avoir un régulateur ? Oui certainement ! Est-ce que c’est de la
compétence du médiateur ? Peut-être, mais se pose alors un autre problème :
celui des moyens ! »
Médiateur au Guardian et ancien président de l’ONO, Ian
Mayes affirme que l’ombudsman est une réponse à l’autorégulation nécessaire de
la presse, à l’environ- nement de plus en plus difficile et concurrentiel dans
lequel les médias travaillent.
Faut-il ou non, dans ce contexte et au vu des résultats,
multiplier les ombudsmen
et médiateurs de presse ? Zorro est arrivé sans se presser…
Son avenir reste à écrire.
annexes
Peut-être avez-vous envie de savoir …
The New York World
Quotidien publié à New York de 1860 à 1931. Ce journal a
joué un grand rôle dans l’histoire de la presse américaine (source Wikipédia).
The Washington Post
Quotidien généraliste américain – 700.000 exemplaires
(source Courrier International)
El Pais
Quotidien national espagnol – 440.000 exemplaires – 770.000
le dimanche (source Courrier
International)
La Tribune de Genève
Quotidien de suisse romande, diffusé en particulier dans le
canton de Genève – 67 151 exemplaires – 175.000 lecteurs (source La Tribune de
Genève)
La Nouvelle République du Centre Ouest
Quotidien régional français – 249.256 exemplaires (source
OJD)
Le Monde
Quotidien national français – 462.475 exemplaires (source
OJD)
SRC Radio Canada
Regroupement de la télévision et de la radio nationale
canadienne de service public en langue française (CBC Radio Canada pour la
partie en langue anglaise)
RFI – Radio France Internationale
Radio internationale publique française – 44 millions
d’auditeurs réguliers dans le monde en
2006 selon une étude du Groupe d’Etudes de Démographie
Appliquée, dont la plupart en Afrique, Proche et Moyen Orient. RFI diffuse 649
heures par semaine d’informations et de magazines en 19 langues étrangères
(source RFI)
France Télévisions
Regroupement des chaînes nationales françaises de service
public. En 2007 : France 2 (10.259.080 de téléspectateurs), France 3 (7.991.880
téléspectateurs), France 4, France 5 (3.684.200 téléspectateurs), France Ô, et
RFO (source Médiamétrie)
Yomiuri Shimbun
Quotidien national japonais fondé en 1874 – 1er quotidien au
monde pour la diffusion :
10.300.000 exemplaires pour l’édition du matin (source
Courrier International)
Midi Libre
Quotidien régional français – 181.017 exemplaires (source
OJD)
Volkskrant
Quotidien national néerlandais – 310.000 tirages (source
Courrier International)
Folha de São Paulo
Quotidien national brésilien – 420.000 tirages (source
Courrier International)
La RTBF
Regroupe les chaînes nationales belges de radios et de
télévisions de langue française du ser- vice public. 3 chaînes de télévision :
La Une, La Deux, RTBF Sat ; et 5 chaînes de radio : La Première, Vivacité,
Musiq’3, Classic 21, Pure FM, RTBF international.
L’Express
Hebdomadaire d’actualité générale français – 649.264
exemplaires (source OJD)
Radio France
Groupement des radios françaises de service public : Fip,
France Inter, France Info, France Bleu, France Musique, France Culture, Le
Mouv’, France Vivace, Elisa – 13.195.410 auditeurs entre septembre et octobre
2007 (source Médiamétrie)
Organization of News Ombudsmen – ONO
Association créée en 1980 qui regroupe les médiateurs et
ombudsman à travers le monde, organise une conférence annuelle, lieu d’échange
et de réflexion sur les pratiques profession- nelles.
http://www.newsombudsmen.org
The Guardian
Quotidien national anglais – 364.600 exemplaires (source
Courrier International)
RTSR
Regroupe la radio et la télévision suisse romande de service
public. 2 chaînes de télévision : TSR1 et TSR2. 4 radios : La 1ère, Espace 2,
Couleur 3, Option Musique.
La Vie
Hebdomadaire d’actualités générales français – 145.420
exemplaires (source OJD)
Daily Sun
Tabloïd sud-africain créé en 2002. Il serait le titre le
plus lu dans le pays avec près de 4 millions
de lecteurs
La Dépêche du Midi
Quotidien régional français – 226.298 exemplaires (source
OJD)
Agence France-Presse – AFP
A succédé à la Libération à l’Agence Havas, crée en 1835 par
Charles Havas. L’AFP couvre l’actualité du monde entier et fournit des
informations aux médias (mais aussi entreprises et administrations) sous forme
d’abonnement. Sa production est distribuée sous forme de dépêches pour le
texte, de photos et d’infographies. Plus de 3.000 journalistes, 7000 clients.
(source AFP)
Quelques idées de lecture… sur internet :
http://www.esj-lille.fr/spip.php?article470
site de l’Ecole Supérieure de Journalisme de Lille « Les
médiateurs de presse – L’interactivité dans les médias »
http://w3.u-grenoble3.fr/les_enjeux/2005/RomeyerBernier/index.php
« France 2 et Radio-Canada : deux conceptions de la
médiation » article de Marc-François
Bernier et Hélène Romeyer
http://www.radio-canada.ca/Ombudsman/index.shtml
site internet de Radio Canada : adresse de l’ombudsman Julie
Miville-Dechêne
http://www.alliance-journalistes.net
« Les médiateurs de presse en France : une réponse (aux
critiques du public) qui responsabilise médias et journalistes », Yves Agnès,
mars 2006
http://www.strategies.fr/archives/1392/page_28744/management_les_mediateurs_entre_
marteau_et_enclume.html
Stratégies n°1392 du 01/12/2005 (page 52), « Les médiateurs
entre marteau et enclume », Anne-Lise Carlo
http://www.cahiersdujournalisme.net/pdf/13/16_Ferreira_Maia.pdf
Les Cahiers du journalisme n°13, printemps 2004 « Médiateur
de presse : un métier en quête de légitimité professionnelle », Kenia
FERREIRA-MAIA
http://www.cahiersdujournalisme.net/pdf/10/04_Bernier.pdf
Les Cahiers du journalisme n°10, printemps-été 2002 « Tous
égaux devant l’ombudsman de la
Société Radio-Canada ? » Marc-François Bernier
http://www.ombudsman.org.za/content/default.asp
site internet du médiateur d’Afrique du Sud, E.H. Linington,
Press Ombudsman, 30 mai 2006
http://www.po.se
Site des médiateurs de presse suédois
http://newexpress.theoconcept.com/index?id=38&nom_chat=Questions_a_Vincent_Olivier
Questions à Vincent Olivier, « Le médiateur de L’Express
répond à vos questions »
http://www.mediateur.edipresse.ch/?p=29
Site de Daniel Cornu, médiateur des publications Edipresse
Suisse
http://www.washingtonpost.com/wpdyn/content/linkset/2005/03/25/LI2005032500838.html
Site de la médiatrice du Washington Post
Quelques idées de lecture…
à piocher dans les librairies ou bibliothèques :
NOYER Jacques (mars 2008) Interroger l’image et ses usages :
enjeux d’un débat récurrent dans la médiation de l’information télévisée sur
France 2, Les Cahiers du journalisme, n°18
PEPIN Patrick (décembre 2007) Vertus, faiblesses et
ambiguïtés de la médiation de presse, Les
Cahiers du journalisme, n°18
AMAR Henri (décembre 2007) Presse régionale : un médiateur,
pourquoi faire ?, Les Cahiers
du journalisme, n°18
HERVOUET Loïc, Spécificités d’une médiation dans un média
international : le cas de RFI, Les
cahiers du journalisme, n°18
SOLé Robert (octobre 1999) Le Médiateur du ‘Monde’, Les
cahiers du journalisme, n°6
BERNIER Marc-François, (2005) L’ombudsman de Radio-Canada :
protecteur des journalis- tes ou du public ? Sainte-Foy, Presses de
l’Université Laval, coll. Éthique et philosophie de la communication
CHARON Jean-Marie, (octobre 2007) Les journalistes et leur
public : le grand malentendu,
Paris, éditions Vuibert, coll. Comprendre les médias
CHARON Jean-Marie, (8 juillet 1999) Réflexions et
propositions sur la déontologie de l’infor- mation, Rapport à madame la
ministre de la culture et de la communication Catherine Trautmann
ANTOINE Frédéric, (oct. 2000) Le feedback des usagers dans
les médias, Université Catholique de Louvain, l’Observatoire du récit
médiatique (ORM)
FERREIRA MAIA Kenia Beatriz (10 janvier 2003) Approche
comparative de la fonction de médiateur de presse dans les quotidiens brésilien
‘Folha de São Paulo’ et français ‘Le Monde’, Thèse de 3ème cycle pour le
doctorat en Sciences de l’Information et de la Communication, Université de
Grenoble 3
CORNU Daniel (2002) La déontologie entre l’évolution des
pratiques, la sédimentation des idées reçues et la permanence des valeurs.
Journalisme et objectifs commerciaux, Université de Neuchâtel, Centre Romand de
formation des journalistes, « Questions de journalisme »
ROMEYER Hélène, (15 décembre 2004) L’auto réflexivité
télévisuelle en France : entre com- munication médiatique et espace public de
débat. Les cas Arrêt sur images et l’Hebdo du médiateur, Volume principal et
annexe, Thèse de 3ème cycle pour le doctorat en Sciences de l’Information et de
la Communication, Université de Grenoble 3
DU ROY Albert, (octobre 2007) « La mort de l’information »,
Paris, éditions Stock
AUGRY Marie-Laure, (saison 2003/2004) Des téléspectateurs
partenaires … Rapport annuel de la médiation des rédactions de France 3
AUGRY Marie-Laure (saison 2005/2006) Des téléspectateurs
citoyens… Rapport annuel de la médiation des rédactions de France 3
CHAMPAGNE Patrick (2000) Le médiateur entre deux Monde,
Actes de la recherche en sciences sociales, Volume 131, n°1
BALLE Francis, (1987) Et si la presse n’existait pas ?
Editions Lattès, chapitre 4 « le privilège de la médiation »
la médiaTion de Presse en suisse :
un modèle aTYPiQue
par daniel Cornu
Selon une recension opérée au début 2006, la Suisse apparaît
comme le pays européen le plus richement pourvu en médiateurs de presse
écrite29. Elle en compte neuf. Deux ans plus tard, le tableau prend cependant
des allures de trompe-l’œil. La Suisse peut-elle encore prétendre au statut de
championne de la médiation ? Elle a perdu en 2007 deux médiateurs attachés à
des titres et la fonction d’un troi- sième s’est fractionnée au point qu’il
devient difficile de la reconnaître comme une médiation véritable.
La presse suisse présente une image unique en Europe, et
même dans le monde : les médiateurs en activité travaillent pour la plupart
pour des groupes de presse, qui détiennent plusieurs journaux et même, dans
certains cas, plusieurs médias. Ils sont quatre à se trouver dans cette
situation.
médiateurs de groupes…
L’ombudsman du groupe alémanique Tamedia AG, nommé en
janvier 1999, fonc- tionne par exemple pour le quotidien zurichois
Tages-Anzeiger, l’hebdomadaire dominical Sontags Zeitung, le quotidien gratuit
20 Minuten ou encore le journal éco- nomique Finanz und Wirtschaft ; le groupe
inclut des médias électroniques.
L’ombudsman du groupe AZ Medien, en charge depuis janvier
2003, s’occupe du quotidien Aargauer Zeitung/Mittelland Zeitung, issu de
fusions et de regroupements de plusieurs titres de la région située entre Berne
et Zurich ; le groupe possède aussi une radio et une télévision privées. Le
rachat en 2007 du groupe Jean Frey AG par Axel Springer (Schweiz) change la
donne. Le médiateur en place depuis septembre
2004 continue cependant de fonctionner pour deux titres
principalement, les pério- diques Bilanz et Beobachter. L’hebdomadaire Die
Weltwoche, qui s’est détaché du groupe, n’a plus de médiateur.
Dans la presse francophone, un changement significatif
s’opère en mai 2007. Parmi d’autres mesures visant à rationaliser les activités
du groupe, Édipresse supprime les charges de médiateurs de titres, qu’il a
instituées en 1998 pour les trois quo- tidiens romands 24 Heures, Le Matin et
la Tribune de Genève (le quotidien gene- vois lui appartient depuis 1991). Un
poste de médiateur unique pour l’ensemble des
29 Cristina Elia,
Gli ombudsmen dei giornali come strumento di gestione della qualità
giornalistica. Thèse présentée à la Faculté des Sciences de la communication.
Université de la Suisse italienne, Lugano, mai 2007.
publications suisses du groupe est créé. Il est confié à
l’ancien médiateur de la Tribune de Genève, qui se trouve ainsi en fonction
depuis dix ans30.
…et médiateurs de titres
Les médiateurs « classiques », attachés à un seul titre,
sont désormais les moins
nombreux.
La Neue Luzerner Zeitung est le journal suisse dont le poste
d’ombudsman est le plus ancien. La NLZ commence par constituer en 1996 un
conseil des lecteurs (« Leserschaftsrat »), dont la présidence est confiée au
directeur sortant du centre de formation des journalistes en Suisse alémanique
(Medienausbildungszentrum ou MAZ). L’idée première est de prévenir les
réclamations de lecteurs des petits cantons de Suisse centrale (Uri, Schwyz,
Obwald et Nidwald), désormais servis par un seul quotidien édité à Lucerne, à
la suite de concentrations. De fait, les réclamations tou- chant au monopole
sont rarissimes. Le conseil des lecteurs se penche sur diverses thématiques
(culture, sport, illustrations, etc.), en vue d’aider le journal à réfléchir à
son contenu et aux attentes du public. Quant au président du conseil, il traite
de plus en plus de plaintes à la manière d’un médiateur ordinaire. Il abandonne
ses fonctions en décembre 2007, après douze ans d’activité. À partir du 1er
janvier 2008, le poste de médiateur est occupé par un successeur venu de la
Berner Zeitung. Son cahier des charges se distingue depuis lors des
attributions du conseil des lecteurs, dont la structure s’adapte aux cinq
éditions régionales du journal.
Un « garante dei Lettori » (garant des lecteurs) est attaché
au quotidien tessinois La Regione Ticino depuis septembre 1998. La charge est
d’abord confiée à un ancien rédacteur en chef adjoint. Elle est liée à la
gestion du courrier des lecteurs et passe principalement par des contacts
personnels. La part d’intervention du « garante » comme arbitre dans des
litiges est rare. Le titulaire signe toutefois des commentai- res sur les
pratiques journalistiques (mention des identités dans les chroniques judi-
ciaires, propos révisionnistes, menaces sur la liberté de la presse). Il passe
le témoin en 2001, année de sa retraite. Il le reprend cependant en septembre
2005, sans plus intervenir dans la gestion des lettres de lecteurs. Il règle à
l’amiable quelques malen- tendus. De son propre aveu, recueilli en 2007, il est
très peu interpellé.
Le St. Galler Tagblatt, en Suisse orientale, recourt en
novembre 1999 à un observa- teur extérieur, professeur de sociologie. Qualifié
de « Merker » (une sorte de guet- teur), il a pour mission principale de
s’assurer du respect de la pluralité des idées et des faits par le journal.
Comme à Lucerne, l’éditeur craint une réaction de rejet de la part d’une partie
du lectorat, à la suite de l’absorption du quotidien Die Ostschweiz, héritier
d’une autre tradition politique. Le premier titulaire de la charge la conçoit
30 Il s’agit de
l’auteur du présent article. L’expérience de dix ans de médiation de presse est
relatée dans un ouvrage récent : Daniel Cornu, Médias mode d’emploi. Le
journaliste face à son public, Genève, Labor et Fides, 2008.
néanmoins comme une « critique du journal dans le journal
»31. Il la quitte après un
an seulement.
Ses successeurs, dont une femme, exercent la fonction avec
le même statut. Depuis le 1er janvier
2007, ce n’est plus un seul « Merker » qui est appelé à porter un regard
critique sur le journal, mais trois. L’un d’eux se voit chargé d’une mission
d’observation générale ; un autre veille au respect de la langue et de
l’expression ; un troisième enfin se place du point de vue de la jeune
génération. L’éclatement de la fonction introduit le doute : le lien qui
rattache la fonction de « Merker » à celle d’ombudsman semble disparaître.
initiatives éphémères
Deux autres initiatives de la médiation, au sens large, ont
connu une existence éphé- mère. Un conseil des lecteurs (« Leserrat ») est
constitué par le quotidien bernois Der Bund le 1er juillet 2004. Il est
coprésidé par le président du conseil d’adminis- tration du journal et par un
professeur de l’Université de Berne, ancien président du Conseil suisse de la
presse. Sans disposer des compétences de médiation, cet organe alimente une
rubrique publiée tous les deux ou trois mois dans les colonnes du Bund, ce qui
lui assure un début de visibilité. Il est dissout en décembre 2005, pour des
raisons économiques.
La création du conseil a été annoncée sur une pleine page du
journal, sa suppression reste confidentielle.
En Suisse romande, enfin, le rédacteur en chef du quotidien
valaisan Le Nouvelliste
se voit confier une tâche de médiation au moment de sa
retraite anticipée, début
2004. Il est à la fois chroniqueur et médiateur. Il
fonctionne ainsi jusqu’en mai 2006, au rythme de douze à quinze interventions
par an, qui ne font pas l’objet de publi- cité ; quelques-unes portent sur des
cas substantiels. Alors qu’il atteint l’âge légal de la retraite, le journal
lui propose un statut de médiateur « à l’appel ». Après un an, il considère que
la fonction n’est plus assez solidement établie, que l’absence de chronique
n’assure plus aucune visibilité. Il renonce. La nouvelle rédaction en chef du
journal ne le remplace pas.
interventions
inégales
Les interventions publiques des médiateurs de groupes en
Suisse alémanique se sont révélées inégales. Seul l’ombudsman d’AZ Medien
publie une chronique régulière sur des cas précis ou des questions générales, y
compris sur des prises de position du Conseil suisse de la presse. Il se
déclare satisfait de son fonctionnement. Les deux autres se contentent pour
l’essentiel d’interventions internes. Dans l’ensemble, les uns et les autres
s’efforcent de répondre aux plaintes de lecteurs. Ils s’abstiennent
31 Interview dans
Klartext 3, 2000.
lorsqu’une action est engagée devant les tribunaux. Cette
règle d’abstention est aussi observée en Suisse romande par le médiateur
d’Édipresse. Celui-ci continue de répondre individuellement aux questions des
lecteurs, mais il déploie dans les colon- nes des journaux une activité
publique moins régulière qu’auparavant. En revanche, il alimente un blog, « La
page du médiateur », à un rythme plus soutenu. Certains des billets « postés »
sur le blog sont repris par 24 Heures et la Tribune de Genève sous forme «
papier ».
dans l’audiovisuel
Atypique dans la presse écrite, la fonction du médiateur en
Suisse ne l’est pas moins dans l’audiovisuel. Notamment si on la compare au
statut des médiateurs en France. Un organe de médiation de la radio et de la
télévision est institué par une loi de 1992 (LRTV). Il a pour mission de
traiter en première instance les plaintes destinées à l’or- gane de
surveillance, lui-même installé en 1984 : l’Autorité indépendante d’examen des
plaintes en matière de radiotélévision (AIEP). Il s’agit d’une tâche de conciliation
et d’arbitrage entre les plaignants et les responsables des programmes. Si la
média- tion n’aboutit pas, le plaignant est renvoyé à l’AIEP.
La radio et la télévision de service public (SSR) sont ainsi
dotées de médiateurs. Il en existe un par région linguistique (francophone,
germanophone, italophone, romanche)32. Chaque diffuseur privé est également
tenu d’offrir au public une pos- sibilité de recours à la médiation. À la suite
d’une révision de la loi entrée en vigueur en juillet 2007, il incombe à l’AIEP
de désigner un médiateur pour les médias privés de chacune des régions
linguistiques. Les médiateurs sont indépendants, mais ils n’ont aucune
visibilité pour le public.
32 D’autres sociétés
de la SSR en sont également pourvues (Télétext Suisse et Swissinfo).
la Fondation
Charles léopold mayer pour le
Progrès de l’homme (FPh), est une
fondation indépendante de droit suisse, basée à Paris, qui soutient l’émergence
d’une communauté mondiale. Elle travaille principalement autour des grandes
questions de gouvernance,
d’éthique et de
nouveaux modèles de développement.
La FPH est à l’origine de la création d’alliances citoyennes
socioprofessionnelles. à ce titre, elle soutient l’alliance internationale de
journalistes en tant qu’entité fondatrice mais aussi par son financement.
l’alliance
internationale de journalistes
est un espace
constructif qui favorise
l’échange et le débat, à travers le monde, avec l’ambition de créer de
l’intelligence commune et du pouvoir collectif pour peser sur les pratiques
journalistiques dont personne ne peut plus ignorer l’impact. Ouverte aux
profes- sionnels de l’information et à son public, l’alliance travaille sur la
responsabilité des journalistes et la responsabilité des médias envers la
société.
la collection
«Journalisme responsable» regroupe des livrets thématiques relatifs à
l’éthique, la déontologie, la qualité de l’information, la régulation ou
l’auto- régulation de la profession, etc.
sont déjà parus dans
cette collection en mars 2008 :
• Sociétés de rédacteurs, sociétés de journalistes, Bertrand
Verfaillie
• Médiateurs, Frédérique Béal
• Conseils de presse, Gilles Labarthe
en juillet 2009 :
• Formation au journalisme, formation des journalistes,
Bertrand Verfaillie
• Formation des journalistes à l’éthique professionnelle,
Nathalie Dollé
• Des formations au journalisme à travers le monde,
Collectif
en novembre 2010 :
• Journalisme : la transmission informelle des savoir être
et savoir-faire, Thomas Ferenczi