LA REGULATION DES MEDIAS DANS L’ESPACE FRANCOPHONE : BIL AN ET PERSPECTIVES part 1


Introduction
L’OIF appuie le développement et la naissance d’instances de régulation ainsi que le renforcement de leurs liens réticulaires, principalement au sein du Réseau francophone des régulateurs des medias (REFRAM). A l’origine de la création du REFRAM en 2007, l’OIF soutient depuis la tenue des rencontres de ses membres ainsi que les projets inscrits dans les plans d’action.


A l’occasion de l’Assemblée générale de Dakar en novembre 2008, l’OIF avait annoncé qu’elle  procéderait à  une  étude  sur  la  régulation des  médias  dans l’espace francophone.


Cette  étude1,  demandée  par  l’OIF  et  présentée  à  l’occasion  de  la  1ere Conférence des Présidents d’instances de régulation francophones membres du REFRAM, poursuit trois objectifs :


 Transmettre aux instances membres du REFRAM un état des lieux exhaustif de la régulation dans l’ensemble de l’espace francophone ;


 Identifier avec précision les attentes et les besoins des instances de régulation de l’espace francophone, et plus particulièrement celles membres du REFRAM ;


 Contribuer à préparer la programmation 2010-2014 de l’OIF, axée sur les résultats, qui sera adoptée par la Conférence ministérielle de la Francophonie en décembre 2009.


Plus précisément cette étude :


 dresse un état des lieux et une typologie de la régulation dans l’ensemble de l’espace francophone,


 identifie les principales bonnes pratiques et les obstacles rencontrés,


 mentionne les revendications exprimées pour un renforcement des capacités des régulateurs ainsi que les attentes des régulateurs vis-à-vis du REFRAM,


   définit   des   indicateurs   objectifs   pour   une   régulation   efficiente   et indépendante,


 recommande à l’OIF des actions susceptibles d’être menées en faveur des régulateurs des médias.


1  L’auteur de cette étude tient à exprimer toute sa gratitude à l’équipe de l’OIF pour le soutien qu’elle lui a apporté, et plus particulièrement à Gaëlle Loir pour sa ténacité dans la collecte des questionnaires auprès des différentes instances de régulation.

a) Contexte


On considère aujourd’hui qu’il existe une interdépendance étroite entre démocratie, liberté des médias et régulation. La place cruciale qui revient entre autres aux organes de régulation dans la procédure d’allocation de fréquences d’émissions, dans la promotion de la diversité des contenus médiatiques, dans l’équitable accès aux ondes des populations rurales et désœuvrées plaide en faveur de leur nécessaire indépendance.

L’Organisation internationale de la Francophonie (OIF), institution qui réunit près du tiers des Etats de l’Organisation des Nations unies, s’est tôt mobilisée en faveur de la dynamique de démocratisation apparue en Afrique et en Europe depuis le début des années 1990. Cette action et cet engagement en faveur de la consolidation de la démocratie, des droits de l’Homme et de l’Etat de droit (et donc en faveur du développement de cadres normatifs plus favorables à  la liberté de la presse), ont été formalisés dans un certain nombre de textes importants.
C’est ainsi que dans le sillage d’un « Symposium international sur le bilan des pratiques   de   la   démocratie,   des   droits   et   des   libertés   dans   l’espace francophone », réuni à Bamako à l’automne 2000, la Francophonie s’est dotée d’un texte normatif sur la démocratie et d’un dispositif concret et contraignant2 en faveur de la consolidation de la paix, de la démocratie et de l’Etat de droit. Dans cette Déclaration de Bamako3, les ministres et chefs de délégation des Etats et gouvernements francophones signataires, après avoir affirmé que la démocratie exigeait « la liberté d’opinion et d’expression, notamment par voie de presse et (de tout) autre moyen de communication », prenaient l’engagement de « veiller au respect effectif de la liberté de la presse et (d’)assurer l’accès équitable des différentes forces politiques aux médias publics et privés, écrits et audiovisuels,   selon   un   mode   de   régulation   conforme   aux   principes démocratiques »4.
Dans le Programme d’action de Bamako5, apparaît véritablement le caractère démocratique prêté aux instances de régulation de la  communication par la Francophonie. Dans  ce  document, fixant  le  cadre  de  mise  en  œuvre  de  la Déclaration, il est notamment prévu d’œuvrer au renforcement des institutions de la démocratie et de l’Etat de droit, par « l’adoption généralisée de statuts
garantissant l’indépendance des instances juridictionnelles et de l’ensemble des instances de contrôle, de régulation et de médiation »6. Afin de renforcer ces institutions  démocratiques,  la  Francophonie  s’est  engagée  à  soutenir  « le développement de nouveaux réseaux », dont le « Réseau des Hautes Instances de  Régulation de  la  Communication »7,  aujourd’hui Réseau francophone de régulation des médias.
Par ailleurs, le lien entre régulation et bon fonctionnement de la démocratie transparaît   dans   le   cadre   de   la   tenue   d’ « élections   libres,   fiables   et transparentes ». Pour ce faire, le Programme adopté stipule que la Francophonie facilitera « l’adoption (…) de règles garantissant l’accès égal et équitable de tous les partis aux médias publics (…), en particulier durant les périodes électorales, de sorte qu’ils puissent s’exprimer dans le respect des règles internationales  sur  la  liberté  de  la  presse ».  Conséquemment,  elle  devra
« accroître  son  soutien  aux  Hautes  Autorités  de  l’Audiovisuel  et  de  la Communication »8.  Dès  lors  et  parce  que,  « partout  dans  le  monde,  une information  libre   et   pluraliste   est   l’un   des   principaux  vecteurs   de   la démocratie »9   -  et  donc  synonyme de  « vie  politique  apaisée »,  un  soutien spécifique aux activités de la presse et des médias a été programmé, aux fins de conforter leur indépendance ainsi que leur professionnalisme. Aussi a-t-il été notamment prévu de « renforcer les capacités des instances de régulation des médias »10.
Au total, il convient de souligner l’approche pour le moins dynamique qu’opère l’Organisation Internationale de la Francophonie de l’interdépendance présumée entre démocratie, liberté des médias et régulation. Cette conviction, qui doit être replacée dans le cadre plus large de l’action de l’Organisation en faveur du développement de la démocratie, l’a amenée à prendre des mesures concrètes d’appui en faveur des organes francophones de régulation de la communication. Cette étude en est assurément une manifestation parmi d’autres.
b) Méthodologie et sources mobilisées
L’étude actuellement en cours - dont les principaux éléments synthétiques vous sont présentés aujourd’hui - s’appuie sur différentes sources dont la principale est le questionnaire de 83 entrées que vous avez tous reçu au printemps dernier. Au travers de questions semi directives tant factuelles qu’analytiques, des informations essentielles ont été collectées sur chaque institution ayant rép Quelles sont-elles ?
 En plus de données générales sur chaque organe de régulation, tout ce qui a trait au statut, à la composition et aux attributions de chacun a été collecté ;
 Parallèlement, le fonctionnement et l’organisation administrative de chaque instance régulatrice ont fait l’objet d’une description riche d’enseignements ;
 La question centrale des moyens matériels, humains mais aussi financiers affectés à chacune a elle aussi été renseignée, offrant là encore pour l’analyse de précieux renseignements ;
 A cela, il faut par ailleurs ajouter l’ensemble des faits relatifs aux manifestations organisées et aux différentes actions de communication réalisées par chaque instance ;
 Enfin, des données diverses portant notamment sur l’insertion à l’international, les bonnes pratiques ou les principales lacunes et/ou difficultés rencontrées viennent compléter l’ensemble des informations recueillies, à partir desquelles l’ébauche d’un état de la régulation des médias dans l’espace francophone sera possible. Leur exploitation servira à en dresser un bilan aussi exhaustif que possible et à en dessiner les perspectives dans les années à venir.
c) Un ensemble a priori disparate
L’examen des situations nationales en matière de régulation des médias fait en effet ressortir de grandes disparités entre pays et entre zones francophones. Parmi les principales, il faut mentionner :
  Des  cadres réglementaires et  législatifs  très  différents, marqués par  une absence d’harmonisation tant en matière juridique que de pratiques.
 Un champ de compétences lui aussi très variable. On recense ainsi des régulateurs compétents exclusivement pour les médias audiovisuels privés et/ou publics, d’autres dont les attributions s’imposent tant aux médias audiovisuels qu’aux organes de la presse écrite, d’autres, enfin, dont la compétence s’exerce uniquement sur la presse écrite. A cela il faut également ajouter l’existence de quelques instances de régulation spécialisées sur une question ou un domaine particuliers (organe chargé de recevoir et d’instruire les plaintes du public contre les médias ou d’assurer l’accès égal aux médias d’Etat par exemple…).
  La  nature  et  le  statut  des  régulateurs  francophones sont  eux  aussi  très hétérogènes. Si la plupart sont théoriquement érigés en organes indépendants, autonomes administrativement et financièrement, bon nombre revendiquent aujourd’hui encore leur indépendance formelle et réelle. Les origines juridiques des textes constitutifs sont également diverses : si dans certains cas les instances sont l’émanation d’une Loi fondamentale (Constitution), dans d’autres elles peuvent être instituées par une loi ordinaire, quand dans d’autres encore elles ont été créées par un simple décret. Ce dont il est question ici c’est bien de la problématique de l’existence et de la permanence temporelles des organes de régulation des médias dans le paysage institutionnel de chaque pays. Leur pérennité peut en effet apparaître comme directement affectée par l’origine de leur base juridique.
 La réalité et l’étendue des pouvoirs du régulateur diffère d’un pays à l’autre ; si la majorité des organes de régulation sont dotés d’un pouvoir décisionnel, quelques autres demeurent encore aujourd’hui cantonnés à l’exercice d’un seul pouvoir consultatif ; s’ajoute à cela une répartition très inégale dans l’espace francophone  des  pouvoirs  de  sanction  et   de  réglementation  –  pourtant nécessaires tant à l’indépendance qu’à l’affirmation du régulateur…
d) Des traits communs malgré tout
Le paysage de la régulation dans l’espace francophone reste marqué par une nette séparation de ce qui relève des contenus et des messages d’un côté, et de ce qui relève des contenants de l’autre ; à quelques rares exceptions près (Canada, Luxembourg, Suisse) la régulation des médias et des télécommunications sont en effet opérées par des arbitres différents. Cette spécificité contribue, d’une façon générale, à distinguer l’espace francophone de l’espace anglophone, notamment en Afrique subsaharienne où la fusion des deux régulateurs tend depuis quelques années à se généraliser (Afrique du Sud, Tanzanie, Malawi, Lesotho, Namibie, etc.).
Il faut par ailleurs signaler, dans l’ensemble, un mode de nomination marqué par la prédominance accordée au pouvoir politique (exécutif et législatif) plutôt qu’aux professionnels du secteur et aux organisations de la société civile ; là encore cette particularité distingue l’espace francophone de l’espace anglophone où  les  sources  ou  autorités  de  nomination  des  régulateurs  et  le  profil  des membres des organes de régulation sont plus variés ;
Au-delà des différences et des convergences observables au sein des divers paysages francophones de régulation des médias, il existe néanmoins ce qui fait figure de lien et de liant communs à cet espace hétérogène.
Outre la langue partagée, ce sont les valeurs que l’on retrouve peu ou prou partout exposées dans les  missions dévolues aux organes de  régulation :  la protection de l’Etat de droit et de la démocratie ; la protection de la paix et de la cohésion nationale ; le respect de la personne et de la dignité humaine ; la protection et la promotion de la diversité culturelle.
e) Un ensemble déjà inséré dans de multiples réseaux
L’ensemble constitué par les régulateurs francophones est marqué par une forte insertion internationale dans les réseaux récemment constitués. Outre le Réseau Francophone de Régulation des Médias (REFRAM), qui rassemble 38% des instances de régulation francophones, on doit mentionner l’existence d’autres réseaux dans lesquels figurent des pays membres de l’OIF, qu’il s’agisse de la Plate-forme Européenne des Instances de Régulation (EPRA), du Réseau des Instances de  Régulation Méditerranéenne (RIRM), du  Réseau des  Instances Africaines de Régulation de la Communication (RIARC), ou du réseau EUREGIOLATORS (Belgique, Luxembourg, Pays-Bas et Allemagne).
I. Etat des lieux et typologie des situations
1.1/ Les pays à instances de régulation
En Afrique subsaharienne, les premières instances de régulation des médias ont été créées dans le sillage de la démocratisation intervenant à la fin des années 1980 et au début des années 1990. Le rejet du système des partis uniques et la revendication des libertés civiles et politiques se traduisent notamment dans le domaine des médias par l’avènement des régulateurs dont la vocation était de couper le cordon ombilical entre pouvoir politique et médias. La très grande majorité des instances de régulation créées l’ont été entre 1990 et 1995 - le mouvement se poursuivant jusqu’en 200611, date de mise en place du régulateur le plus récent.
Des autorités de régulation des médias ont ainsi été créées dans une quarantaine de pays sur les quarante-sept que totalise aujourd’hui l’Afrique subsaharienne. Ce mouvement d’ensemble a en effet été rendu nécessaire par l’apparition d’un nombre considérable de nouveaux médias privés écrits et audiovisuels au cours de ces deux décennies. A la différence de l’Europe et de l’Amérique du Nord, le régulateur, dans cet ensemble disparate, exerce, selon les cas, une compétence sur l’audiovisuel seul, sur l’audiovisuel et la presse, ou sur la presse seule…
En Europe, il faut distinguer deux vagues successives ayant abouti à la mise en place d’organes de régulation.
En Europe de l’Ouest, dans la lignée de l’Amérique du Nord, des régulateurs
ont été créés avec l’ouverture au pluralisme audiovisuel et la remise en cause du monopole étatique sur les ondes à partir du début des années 1980 Grande- Bretagne, Italie, France, République Fédérale Allemande…).
En Europe centrale et orientale, avec la chute du communisme la démocratisation s’est notamment traduite par l’adoption d’un nouvel arsenal institutionnel et juridique afin de réguler le champ médiatique : influencés par le Conseil de l’Europe en particulier, ces Etats ont choisi de confier la régulation
du secteur à un organe indépendant, sur le modèle de ce qui se faisait déjà à l’Ouest. Entre 1991 et 2003, l’écrasante majorité de ces Etats, francophones ou non, s’en sont dotés. L’adoption d’un nouveau cadre législatif et réglementaire
en  matière  de  communication  audiovisuelle  voit  la  « confiscation »  de  la régulation du secteur au profit d’instances administratives indépendantes des autorités politiques12.
En Amérique et Caraïbes, le Canada, seul Etat francophone doté d’un organe de régulation, est aussi le pionnier en la matière dans toute la Francophonie puisque celui-ci a été créé en 1968, soit bien avant les premiers fondés en Europe de l’Ouest. Le  Conseil de radiodiffusion et  des télécommunications canadiennes (CRTC) exerce son autorité sur l’ensemble du paysage audiovisuel (télévision hertzienne, radio, satellite, câble), tant public (Radio Canada) que privé (opérateurs commerciaux et communautaires).


En Afrique du Nord et au Moyen-Orient, où l’instauration de l’institution du régulateur est relativement récente (entre 1996 et 2002), les régulateurs demeurent  majoritairement  cantonnés  à  un  rôle  consultatif  (2/3 :  Liban, Tunisie).
En Asie et Pacifique, la Thaïlande reste à ce jour le seul Etat à être doté d’un organe de régulation créé en par la loi en 2000 mais effectivement en service depuis 2005. Les troubles politiques récurrents auxquels est confronté depuis lors la Thaïlande n’ont pas permis au régulateur de fonctionner normalement et selon les normes internationales.
La généralisation des instances régulatrices témoigne d’un mouvement d’ensemble autour d’une idée ou d’une démarche commune – garantir la liberté de communication - de même que de la réponse des régimes démocratiques à des besoins similaires : libérer la parole en élargissant l’accès au spectre à de nouveaux opérateurs privés, tout en « dessaisissant » l’Etat « juge » (régulateur) pour le cantonner à l’Etat « partie » (opérateur). On doit de la sorte aujourd’hui considérer le régulateur indépendant comme étant un élément constitutif à part
entière - parmi d’autres - du noyau dur caractérisant tout régime se voulant démocratique.
1.2/ Les pays où la régulation du champ de médias s’opère différemment
En Afrique subsaharienne, seuls le Cap-Vert, les Comores, Djibouti, la Guinée équatoriale, Madagascar et les Seychelles ne possèdent pas encore de régulateur indépendant.  Dans   ces   Etats,   la   régulation   du   secteur   des   médias   est généralement effectuée, soit directement soit indirectement par le Ministère de la Communication et/ou de l’Information ou son équivalent.
En Europe, dans la Principauté de Monaco, en Arménie et en Géorgie, la régulation des médias audiovisuels demeure placée sous la tutelle politique et/ou administrative du gouvernement.
En Amérique et Caraïbes, la Dominique, Sainte-Lucie et Haïti ne disposent pas d’organe de régulation indépendant des médias, ceux-ci étant placés sous la tutelle  des  autorités  gouvernementales  -  soit  pour  des  questions  liées  à  la modicité du secteur médiatique lui-même soit pour des questions liées à la situation politique critique y prévalant (Haïti)…
En  Afrique  du  Nord  et  au  Moyen-Orient,  seul  l’espace  médiatique  de l’Egypte  reste  aujourd’hui  directement  régulé  par  les  autorités gouvernementales.
En Asie et dans la Pacifique, les médias restent étroitement placés sous le contrôle politique du parti au pouvoir au Vietnam et au Laos. Au Cambodge et au Vanuatu, la régulation des médias reste du ressort des autorités publiques.





1.3/ Eclairage sur les Etats dans lesquels une régulation indépendante est susceptible d’émerger à l’avenir et les autres
Dans un certain nombre d’Etats, les conditions politiques sont loin aujourd’hui d’être favorables au désengagement des autorités gouvernementales du secteur des médias, sur lequel elles souhaitent garder un contrôle étroit. Ces pays sont aussi ceux dans lesquels le respect de la liberté de la presse a le plus de mal à s’imposer :  Comores,  Djibouti,  Guinée  équatoriale,  Haïti,  Laos  et  Vietnam notamment.
Ailleurs, si tutelle des autorités publiques il y a en matière de régulation du secteur des médias, celle-ci s’exerce de façon moins directe et avec davantage de souplesse. Certains Etats, dont Madagascar, ont d’ailleurs prévu la création d’un organe de régulation indépendant des médias et attendent des conditions politiques plus favorables pour franchir le pas. Le Cambodge, pourrait lui aussi à moyen terme opter pour un arbitre indépendant.
Les autorités politiques des micros États comme le Cap-Vert, les Seychelles, la Principauté de Monaco, la Dominique, Sainte-Lucie ou le Vanuatu ne semblent par contre pas devoir à court ou moyen terme se dessaisir de leur implication plus ou moins directe dans la régulation des médias.
II. La pratique de la régulation
2.1/ Les principales bonnes pratiques identifiées
a/ Promotion de la culture démocratique
 Concertation permanente avec les opérateurs audiovisuels pour leur expliquer que le régulateur n’est pas un instrument de censure mais le gardien du pluralisme et de la démocratie (Liban) ;
 Elaboration de guides de conduite promouvant la transparence et l’esprit démocratique (Moldavie)
 Mise en avant du principe de responsabilité du régulateur et des obligations en découlant : « transparence, équité, prévisibilité et diligence » (Canada) ;
 Organisation de sessions de formation à l’intention des directeurs de publication en matière de liberté d’expression ou en faveur des agents de la police, de la justice et de la gendarmerie sur le rôle des médias dans le renforcement du processus démocratique ;
 Promotion du pluralisme des opinions et de la diversité culturelle dans les contenus médiatiques.
b) Pratique de la corégulation et du dialogue avec les autres acteurs
 Démarche participative impliquant tous les acteurs du paysage audiovisuel dans les activités du régulateur : promotion d’une culture du dialogue et d’un partenariat  avec  les  médias  et  les  associations  professionnelles  (Burkina, Sénégal) ;


 Visites des régulateurs auprès des différentes rédactions et des différentes associations de professionnels en vue de l’instauration d’un échange et d’un dialogue réguliers (Tchad, Togo, Mozambique, etc.).
c) Responsabilisation démocratique du régulateur
 Mise en place de mécanisme de règlement à l’amiable des différends entre médias et publics ou particuliers (Togo, Guinée) ;
 Décharge de l’organe de régulation par des organes de médiation dans le cas de  réclamations :  avec  pour  résultat  la  résolution  en  amont  de  l’écrasante majorité des procédures de réclamation déposées (Suisse) ;
 Création d’un mécanisme d’instruction des plaintes, en respect avec les droits de la défense ;
 Organisations de délibérations publiques ;
 Réponse aux réclamations du public.
d) Responsabilisation des acteurs médiatiques
 Formation des acteurs des médias au respect de l’éthique et de la déontologie, en vue du renforcement des capacités des journalistes ;
 Instauration de mécanismes de concertation avec les professionnels en vue de la répartition de l’aide à la presse gérée par le régulateur ;
 Elaboration d’une approche visant à promouvoir la confiance et la responsabilité chez  les  professionnels :  séances  d’encadrement pédagogique, recours à des sanctions positives, etc.
e) L’action en faveur du bon déroulement du processus électoral
  En  amont des  élections,  organisation de  rencontres sectorielles  avec  les médias, les journalistes, les politiques et les institutions pour assurer le respect de la loi ;
 Pendant les campagnes électorales, travail de vigilance effectué en synergie avec les journalistes et la magistrature ;
 Professionnalisation continue en matière de monitoring des médias pendant les campagnes électorales ;
 Elaboration, en concertation avec les politiques et les médias, des règles en matière de répartition du temps d’antenne en période électorale.
f) Transparence de l’action et des décisions
 Publicité des avis et de l’action de l’organe de régulation et transparence du processus décisionnel : information complète sur son activité au bénéfice du secteur, des téléspectateurs et des auditeurs ;


 Etablissement de procédures détaillées et transparentes en matière d’attributions des autorisations d’émission (Belgique) ;
 Réalisation d’un travail exploratoire individualisé avec chaque candidat à l’obtention d’une autorisation d’émission (Lettonie).
2.2/ Les principaux obstacles rencontrés
a) Persistance d’entraves de nature politique
  Existence  de  conflits  et/ou  de  relations  difficiles  entre  régulateurs  et ministères de l’Information et/ou de la Communication relativement à l’attribution des fréquences (Bénin) ;
  Politisation  excessive  des  médias  et  des  journalistes  conduisant  au  non respect des règles d’éthique et de déontologie (Togo) ;
 Manque d’indépendance par rapport au pouvoir politique (Mali) ;
 Pression des autorités gouvernementales pour pousser à la fusion de l’organe de régulation des médias avec l’organe de régulation des télécommunications (Macédoine) ;
 Attaques de médias proches du pouvoir exécutif contre le travail effectué par le régulateur et publication d’informations orientées défavorables à la direction de celui-ci (Macédoine).
b) Des pouvoirs encore insuffisants
 Absence de pouvoir décisionnel (Cameroun, Rwanda) ;
 L’absence d’un pouvoir de sanction complique les efforts du régulateur pour que les opérateurs se conforment à la réglementation en vigueur (Canada) ;
 Absence de moyens de pression ou de pouvoir coercitif à disposition pour un rappel à l’ordre suivi d’effet des médias et des journalistes fautifs (Togo).
c) Cadre juridique et réglementaire inadapté
 Textes réglementaires ou procédures législatives inadaptés entravant l’efficacité d’action du régulateur (Cameroun, Congo, Mali, Andorre, Lettonie), parfois en deçà des normes internationales en la matière : concernant le statut des conseillers, la non permanence des membres (Burkina, Sénégal), la non
désignation  des  responsables  des  médias  publics  ou  la  non  attribution  des licences et la non assignation des fréquences (Sénégal) ;
  Mode  de  nomination  des  membres  faisant  trop  peu  cas  des  critères
professionnels à posséder nécessairement (Mali, Guinée-Bissau) ;


 Absence d’autonomie administrative et budgétaire (Luxembourg) ;
 Inexistence d’un cadre de coopération avec l’autorité judiciaire en matière d’exécution des décisions (RDC) ;
 Contestation systématique en justice des amendes infligées par le régulateur :
jurisprudence des cours peu claire, non homogène et peu prévisible (Tchéquie) ;
 Le recours trop permissif aux instances de révision (recours) entrave l’action du régulateur (Canada) ;
 Lacunes en matière de formation et de connaissances juridiques pour le régulateur et les acteurs du secteur (Burundi, Guinée, Sénégal, Tchad).
d) Précarité et fragilité du secteur médiatique
 Absence de professionnalisme des médias ;
  Crise  économique  affectant  le  secteur  audiovisuel  dans  son  ensemble
(Lituanie, Croatie) ;
 Absence d’aide à la presse financée sur deniers publics.
e) Précarité des moyens de fonctionnement
 Administration inexistante ou très insuffisante en relation avec les missions
(RDC, Sénégal) ;
 Face à la complexification des tâches de la régulation et du nombre d’opérateurs et  des programmes, insuffisance de personnel pour remplir les attributions (Tchéquie) ;
 Budget de fonctionnement insuffisant (Burundi, Congo, Côte d’Ivoire, RDC, Moldavie, Mali) ;
 Crédits affectés souvent bloqués ou rognés ;
 Absence de moyens logistiques adéquats (Guinée, Burundi, Tchad) ;
 L’insuffisance des salaires favorisant le départ des personnels techniques et déstabilisant l’organe de régulation (Mozambique) ;
  Absence  de  siège  ou  siège  inadapté,  avec  tous  les  problèmes  qui  en découlent (Cameroun, Guinée) ;
 Absence de moyens de monitoring minimum et adapté pourtant nécessaire pour remplir une mission fondamentale au bon déroulement démocratique des élections (Burundi, Sénégal) ;


 Correspondants locaux insuffisants pour suppléer à l’absence de moyens de monitoring adaptés (Togo).
f) Une légitimité institutionnelle fragile
 Difficultés liées au manque de compréhension, tant par les acteurs politiques qu’économiques, de l’exercice pratique de la fonction de régulation et de la notion d’autorité administrative indépendante ;
 Absence de visibilité institutionnelle et protocolaire.
2.3/ Les revendications exprimées pour un renforcement des capacités des régulateurs
a)   L’obtention   de   nouvelles   compétences   ou   l’élargissement   des attributions actuelles
 Revendication d’un mandat renouvelable pour les membres et de l’élection du président de l’organe de régulation par les membres de celui-ci (Bénin) ;
 Volonté de présider à la nomination des responsables des médias du service public (Sénégal, Mauritanie, Cameroun, Congo, Guinée) ;
 Souhait de voir la gestion des fréquences (et l’attribution des licences dans certains cas) relever des compétences et des missions du régulateur (Burkina Faso, Burundi, Cameroun, Guinée, Sénégal, Luxembourg) ;
 Etendre la compétence du régulateur sur l’Internet (Rwanda, etc.), aux services des médias audiovisuels à la demande (France), etc. ;
 Etendre la compétence du régulateur à l’attribution de l’aide de l’Etat à la presse (Cameroun) ;
  Elargir  les  responsabilités  du  régulateur  en  matière  de  protection  du copyright, de  façon  à  rendre  plus  efficace  la  lutte  contre  le  piratage  et  la violation des droits d’auteurs (Macédoine) ;
 Obtenir une compétence en matière d’éducation aux médias (Luxembourg).
b) Des pouvoirs accrus
 Passer d’un statut d’instance consultative à celui d’instance décisionnelle
(Rwanda, Cameroun, Liban) ;
 Octroi d’un pouvoir de sanction (Luxembourg) ;
 Souhait de voir adopté un nouveau cadre réglementaire en matière de presse et de communication ou tout du moins de voir des amendements adoptés en vue de l’adaptation de celui-ci et du régulateur aux nouvelles réalités dans le secteur des médias (Togo, Mauritanie, Croatie, Lettonie, Andorre) ;


  Obtenir  davantage d’indépendance aux  niveaux  de  l’organisation  et  des finances du régulateur (Albanie).
2.4/ Les attentes des régulateurs vis-à-vis du REFRAM
a) Renforcement des capacités au sens large
  Organisation  d’activités  de  nature  à  renforcer  les  régulateurs  en  tant qu’institutions de l’Etat de droit (France) ;
  Aide  au  renforcement  des  capacités  institutionnelles  (Congo,  Burundi), techniques et humaines (Mauritanie, Sénégal, Tchad, Togo) ;
  Appui  à  la  mise  en  place  d’une  administration  compétente  et  efficace
(Tchad) ;
 Aide à la recherche de financement pour l’achat d’équipements minimum, de monitoring notamment (Congo), voire aide directe à l’équipement de matériel de monitoring (Guinée) ;
  Aide  à  la  création  et  à  l’équipement  d’antennes  régionales  pour  le monitoring (Togo) ;
b) Appui à la formation professionnelle
 Elaboration d’un plan de formation et d’échanges des personnels administratifs et techniques entre membres du réseau (Bénin) ;
 Formation des personnels – des techniciens (Côte d’Ivoire) aux administratifs (Guinée-Bissau) - aux équipements numériques (Cameroun) ou de monitoring par exemple (Guinée) ;
 Echanges d’expériences, via des stages et des formations, avec des instances francophones de régulation (africaines, européennes, etc.) plus outillées en matières  de  savoir-faire  (Burundi,  Côte  d’Ivoire,  Mali,  Mauritanie,  RCA, RDC) ;
 Organisation de missions d’études pour les conseillers auprès de membres du
Refram, etc. (Cameroun, Guinée, Mauritanie, Sénégal, Moldavie) ;
 Bénéficier de l’envoi d’experts (mission de courte ou moyenne durée sur place) du Refram pour des besoins urgents et importants (RCA, RDC, Togo).
c) Toutes actions de nature à faciliter la circulation de l’information
 Conception et mise en place d’un système de circulation de l’information entre membres (Bénin, Tchéquie, Hongrie) ;
 Echanges d’informations (Burkina Faso).


d) L’échange d’expériences et de savoir-faire
 Echange sur le monitoring des programmes radio et tv (Moldavie, Lettonie) ;
 Elaboration de solutions pratiques (sous forme de fiche projet) aux problèmes de  nature  juridique,  technique,  administratif  ou  communicationnel  auxquels
chaque régulateur a été, est ou sera confronté un jour dans l’exercice de ses attributions ;
 Organisation de séminaires/conférences conjoints pour échanger les expériences et savoir-faire autour de thématiques communes aux régulateurs (Belgique, Cameroun, Mali, Sénégal, Tchéquie, Albanie, Luxembourg, Suisse, Liban) : exemple du passage de l’analogique au numérique (Burkina Faso), le renforcement  des  capacités  des  médias  et  des  journalistes  (Guinée-Bissau, Togo), sur la régulation et la concentration des médias (Macédoine), sur la mise en  œuvre  de  la  nouvelle  Directive européenne  sur  les  Services  de  médias audiovisuels et sur les développements récents de l’industrie audiovisuelle (Macédoine, Croatie, Roumanie), sur la protection des mineurs ou les pratiques novatrices en matière de corégulation (Roumanie).
e) Renforcement des outils de communication et des connaissances
 Soutien à l’ouverture du régulateur aux autres membres du Refram via la mise en place d’un site Internet (Tchad) ;
 Recenser les besoins de chaque pays membre et doter chaque régulateur des outils informatiques indispensables à l’échange d’informations (Bénin) ;
  Appui  documentaire  sur  la  régulation  et  les  médias  (Côte  d’Ivoire, Mauritanie) ;
 Appui à la création d’outils de communication – site Internet – et à l’équipement d’un centre multimédia et de documentation (Guinée-Bissau, Togo).
2.5/ Des prérogatives d’ordre démocratique
Des réponses aux questionnaires renvoyés par les régulateurs des pays membres ou observateurs de la Francophonie, il ressort que certains remplissent partiellement ou pleinement des attributions d’essence démocratique - et que ceux pour lesquels ce n’est pas encore tout à fait le cas aspirent à les remplir à l’avenir.
Les acquis démocratiques essentiels ou principaux liés à la mise sur pied de régulateurs jouissant d’une indépendance réelle et d’une efficacité garantie par des moyens adéquats renvoient de façon générique aux attributions suivantes :
 ils veillent à ce qu’aucune composante de la société ne soit exclue du secteur de la communication et encouragent la création de médias audiovisuels représentatifs des différentes cultures et traditions, afin de renforcer la cohésion nationale ;


 ils favorisent l’accès du plus grand nombre aux médias et garantissent la liberté d’expression et de communication ;
 ils posent des critères exigeants en matière de qualité des contenus et de pluralisme  médiatique,  de  même  qu’ils  encouragent  la  transformation  des médias d’Etat en véritables services publics autonomes ;
 ils accompagnent la libéralisation du paysage audiovisuel en établissant des critères transparents et publics pour l’attribution de licences d’émission ;
 ils organisent et supervisent la couverture de l’information électorale par les médias et prennent un soin tout particulier à l’accès équitable et à l’égal traitement des forces politiques en compétition dans les médias.

Chacune des missions listées ci-dessus a ainsi un rapport plus ou moins direct avec l’existence, le fonctionnement et la pérennisation des expériences démocratiques consolidées ou en voie de consolidation au sein de la Francophonie. La régulation occupe en effet aujourd’hui une fonction à part dans le système médiatique, au point qu’elle s’est imposée historiquement comme une composante structurelle du régime démocratique dans les pays développés - et qu’elle est en voie de le devenir ailleurs également, dans le sillage  des  mouvements  de  démocratisation  intervenus  ces  20  dernières années…
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