Le
présent document fait la synthèse de cinq textes-sources qui constituent de
fait un socle de référence des journalistes en France, soit en raison de leur
rôle historique, soit parce qu’ils sont le résultat d’efforts récents de
groupes de réflexion au sein de la profession :
·
La Charte d’éthique
professionnelle des journalistes du SNJ, dont la première version date de 1918 et la
troisième et dernière de mars 2011 ;
·
La Déclaration
de principe sur la conduite des journalistes de la Fédération
internationale des journalistes (FIJ) de 1954 révisée en 1986 ;
·
La
Déclaration des devoirs et des droits des journalistes élaborée en 1971 à
Munich par un collège professionnel syndical européen ;
· La Charte
qualité de l’information rédigée en 2008 par un collège professionnel
d’horizons variés à l’initiative des Assises internationales du journalisme ;
·
Le Projet
de code de déontologie pour les
journalistes proposé en octobre 2009 par un « Comité des sages »
réuni à la suite des Etats Généraux de la Presse Ecrite (automne 2008) autour
de Bruno Frappat.
L’essentiel
des règles déontologiques énoncées dans cette synthèse est commun à ces textes,
qui ne se contredisent pas sur les principes, mais se complètent. Ces règles y
sont déclinées en cinq chapitres :
§
le droit citoyen à l’information,
§
la responsabilité des éditeurs et des journalistes,
§
l’indépendance du journaliste et l’autorité éditoriale,
§
la collecte de l’information,
§
le traitement éditorial de l’information,
§
les engagements personnels du journaliste.
Ce
document, rédigé à partir d’un travail minutieux d’Eric Rohde par un groupe de
membres de l’APCP réuni autour de lui, pourrait être utilisé par une instance
de médiation et d’éthique professionnelle de l’information (conseil de presse),
dont l’APCP souhaite la création.
I. Le droit citoyen à l’information
1.
Les droits à l’information, à l’expression et à la critique sont des droits
fondamentaux de l’être humain.
2.
L’exercice de ces droits requiert la pluralité de médias libres, indépendants
et de qualité.
3.
Leur existence est inséparable de l’exercice de la démocratie telle qu’elle est
proclamée par la Constitution de la République française et par la Convention
européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales.
II. La responsabilité des éditeurs et des
journalistes
4. La
réalisation et la diffusion d’un média sont un acte d’édition et de
journalisme. Les responsabilités de l’éditeur et du journaliste ne peuvent être
confondues.
5. Cet acte engage chacun de ses acteurs
individuellement et collectivement vis-à-vis du public.
6. La responsabilité de l’éditeur de média et du
journaliste à l’égard du public prime sur toute autre. Elle fonde l’éthique
ainsi que les devoirs et les droits de tous les acteurs de la chaîne
éditoriale, quel que soit le média.
7. L’éditeur doit garantir au journaliste les conditions
du respect des règles déontologiques.
III.
L’indépendance du journaliste et l’autorité éditoriale
8.
L’indépendance et la liberté d’action du journaliste, condition essentielle
d’une information libre, honnête et pluraliste, vont de pair avec sa
responsabilité.
9. Le
journaliste accomplit librement sa tâche au sein d’une équipe rédactionnelle,
sous la seule autorité des chefs de la rédaction et sous la responsabilité du
directeur de la publication.
10. La
sécurité matérielle et morale est la base de l’indépendance du journaliste.
Elle doit lui être assurée, quel que soit son lien juridique avec l’entreprise
éditrice.
11. Le
journaliste ne peut être contraint d’accomplir un acte, d’exprimer une opinion,
ou d’être associé à une expression éditoriale qui seraient contraires à sa
conscience ou aux règles déontologiques.
12. Il
n’accepte aucune consigne, directe ou indirecte, des annonceurs, ne cède à
aucune influence intéressée ou pression et s’assure d’agir avec la plus grande
autonomie de jugement possible.
IV. La collecte de
l’information
13. Le journaliste doit pouvoir accéder à toutes les
informations d’intérêt public.
14. Il s’attache avant tout à l’exactitude des
faits.
15. La recherche et la collecte des faits décrivant la
réalité sont conduites sans a priori,
dans un souci d’équité et d’impartialité.
16. Le droit à l’information des citoyens fonde le
journaliste à rompre, si nécessaire à l’intérêt public, le secret opposé par des
acteurs publics ou privés.
17. La volonté de diffuser
au plus vite ou en exclusivité une information ne doit l’emporter ni sur
l’évaluation et la vérification des sources, ni sur le sérieux de l’enquête.
18. Le journaliste examine
avec rigueur et vigilance critique les informations, documents, images, sons et
prises de position qu’il collecte ou qui lui parviennent. Il s’assure notamment
qu’ils n’ont fait l’objet d’aucune altération ou falsification de nature à
déformer la réalité.
19. Il proscrit tout moyen
déloyal ou vénal pour obtenir informations, images, sons et documents. De tels
procédés ne peuvent lui être imposés par sa hiérarchie.
20. Lorsque sa sécurité,
celle de ses sources, ou la gravité des faits le conduisent à taire soit sa
qualité de journaliste soit son activité journalistique, il prévient sa
hiérarchie, s’en explique dès que possible vis-à-vis du public, et s’efforce de
donner la parole aux personnes mises en cause.
21. L’origine des
informations publiées doit être clairement indiquée. Le recours à l’anonymat d’une
source n’est acceptable que lorsqu’il sert le droit à l’information ; dans ce
cas, le journaliste en avertit le public après avoir informé son supérieur
hiérarchique de la nature de cette source.
22. Le journaliste n’abuse
pas de l’état de faiblesse ou de détresse de personnes pour obtenir d’elles des
informations ou des documents.
23. Il garde recul et
distance avec ses sources d’information, et évite d’instaurer avec elles toute
connivence ou dépendance, qu’il les sollicite ou qu’elles se présentent à lui.
24. Il respecte le secret
à l’égard des personnes qui l’ont informé confidentiellement et veille à les
protéger.
V. Le traitement
éditorial de l’information
25. Chaque journaliste et
chaque éditeur de média se portent garants, pour la part leur incombant, d’un
traitement éditorial n’altérant, ne déformant et ne falsifiant pas les faits,
les documents, les images et les sons.
26. Le journaliste bannit l’approximation,
l’invention, le mensonge, la rumeur.
27. Il refuse toute censure et veille à ne pas
s’autocensurer, en particulier lorsque les éléments dont il dispose
contredisent ses présupposés, ses prévisions ou ses préférences.
28. Il recherche la vérité, cultive le doute en
toute circonstance, notamment face à l’autorité, à l’assurance du grand nombre
et au charisme individuel; avec arguments et preuves, il combat le scepticisme.
29. Il veille à ne servir aucun intérêt particulier
en relayant publicité, promotion, ou propagande, et à ne faire l’objet d’aucune
manipulation. Il avertit le public d’une manipulation dont il a pu être l’objet.
30. Il ne fait preuve d’aucune complaisance dans la
représentation de la violence et dans l’exploitation des émotions.
31. Il s’interdit tout plagiat et cite les journalistes et les médias dont il
reprend les informations.
32. Il s’efforce d’indiquer au public les
circonstances d’élaboration et de publication de l’information.
33. Le journaliste et l’éditeur de média agissent
sans intention de nuire. Ils s’interdisent toute malveillance, calomnie,
diffamation ou injure.
34. Ils évitent toute mise en cause d’une personne
sans élément probant. Ils ne le font qu’avec la plus grande circonspection en
s’efforçant de donner la parole à la personne incriminée, ou à tout le moins de
faire droit à son point de vue. Ils s’obligent à rendre compte jusqu’à
leur terme des procédures judiciaires
qu’ils ont évoquées.
35. Ils respectent la présomption d’innocence.
36. Ils s’interdisent tout préjugé et toute
discrimination.
37. Ils veillent à ce que la diffusion d’une
information ou d’une opinion ne contribue pas à nourrir les préjugés, les
discriminations ou la haine ; d’une manière générale ils s’évertuent à ne
pas contribuer à la manipulation des consciences et à favoriser l’autonomie
d’appréciation du public.
38. Ils respectent la vie privée des personnes. Ils
ne diffusent d’informations relevant de la vie privée que si elles servent le
droit légitime à l’information des citoyens.
39. Ils doivent assurer le suivi de l’information.
40. Ils rectifient le plus
rapidement possible, de manière visible, toute erreur ou information inexacte.
VI. Les
engagements personnels du journaliste
41. Le journaliste ne
confond pas son rôle avec celui du policier ou du juge. Il n’est pas un agent
de renseignements.
42. Il s’interdit de
recevoir un quelconque avantage en raison de la diffusion ou de la
non-diffusion d’une information.
43. Il s’interdit toute
activité lucrative, extérieure à l’exercice de sa profession, pouvant porter
atteinte à sa crédibilité, à son indépendance ou à celles du média auquel il
collabore.
44. Il s’interdit toute activité où sa qualité de
journaliste, son influence, ses relations seraient susceptibles d’être
exploitées à d’autres fins que l’information du public.
45. Il évite – ou met fin à
– toute situation pouvant le conduire à un conflit d’intérêts dans l’exercice
de son métier.