Les règles du CSA sont inapplicables

 

 http://www.lemonde.fr/idees/article/2012/03/13/les-regles-du-csa-sont-inapplicables_1666952_3232.html

Nous, médiateurs de presse, sommes chaque jour interpellés sur l'équilibre éditorial des médias où nous officions. Certains de ces médias relèvent de l'autorité du Conseil supérieur de l'audiovisuel (CSA), d'autres non, mais les attentes qu'expriment nos publics ne sont pas différentes pour autant.

Nos publics nous demandent de traiter de la même manière les propositions ou les programmes des candidats à l'élection présidentielle. Ils nous réclament moins de petites phrases et plus de débats de fond. Ils ne veulent pas qu'une forme d'addiction aux sondages nous transforme en simples commentateurs de courses de chevaux. Ils n'aiment pas qu'au nom de la bipolarisation constatée par ces enquêtes d'opinion nous traitions la campagne du premier tour comme si nous étions déjà au second...
Bref, nos publics attendent de nous une information honnête et de qualité, mais aucun ne nous réclame de peser au trébuchet le nombre de mots, de sons ou devidéos que nous consacrons à chacun de ces candidats. Ils ne nous demandent pas une quelconque égalité comptable, mais une véritable équité dans notre traitement éditorial. Ce souci d'équité peut-il être garanti par de strictes règles d'égalité ? Nous ne le pensons pas !
Les règles d'égalité telles qu'elles ont été édictées par le CSA et le Conseil constitutionnel lors de la recommandation du 30 novembre 2011 sont inapplicables dans la forme et discutables sur le fond.
Inapplicables, car l'obligation qui nous est faite d'accorder le même nombre de minutes à chaque candidat dans les cinq dernières semaines de la campagne conduit soit à "exploser" les formats de journaux existants au-delà de toute logique éditoriale ; soit, comme en 2007, à supprimer les émissions politiques hebdomadaires de référence par impossibilité de pouvoir recevoir tous les candidats du premier tour.
Discutables, car comment justifier devant le public citoyen que l'on consacre autant d'attention à ceux qui peuvent prétendre diriger notre pays pendant cinq ans et à ceux qui n'y songent même pas ? Il y a pour cela la campagne officielle. Ce n'est pas le rôle des journalistes de la dupliquer !
Discutables aussi, parce que cette réglementation est en soi une négation de la responsabilité individuelle et collective des journalistes et des directeurs de publication. Elle conduit même à une déresponsabilisation des rédactions sur ces questions. Pourquoi nous référer à la déontologie de nos métiers puisque l'instance de régulation ne retient d'elle que son bilan chiffré ?
LIGNES MAGINOT
Discutables, enfin, parce que ce dispositif ne s'applique qu'a quelques-uns. La totalité de la presse écrite, l'ensemble des sites Internet et des réseaux sociaux, et même certaines télévisions les plus en lien avec la chose politique comme Public Sénat ou LCP-AN ne sont pas astreintes à ces règles d'égalité. Que vaut une règle si elle n'est pas compréhensible et applicable par tous ?
Ceux d'entre nous qui travaillent pour les grands titres de la presse écrite, en particulier la presse régionale, où nos journaux, jouent un rôle évident de service public, n'envoient pas chaque semaine leurs relevés de compte ! Cela n'empêche pas nos rédactions, par le seul respect de nos métiers et de nos publics, d'observer un strict respect de l'équité démocratique
Chacun sent bien que nos lignes Maginot actuelles sont obsolètes. C'est pourquoi nous appelons de nos voeux un vaste débat avec tous les acteurs concernés pourdéfinir ensemble les bonnes pratiques qui n'opposeront plus qualité éditoriale et qualité démocratique.
Selon la recommandation du CSA du 30 novembre 2011, les candidats à la présidentielle bénéficient d'un temps de parole égal et d'un temps d'antenne équitable du 20 mars au 9 avril, puis d'un temps de parole et d'un temps d'antenne égaux du 9 avril au 6 mai

Henri Amar, La Dépêche du Midi ;
Marie-Laure Augry, France 3 ;
Jérôme Bouvier, Radio France ;
Pascal Galinier, Le Monde ;
Nicolas Jacobs, France 2 ;
Alain Le Garrec, France Télévisions ;