Travail de synthèse à partir de cinq codes déontologiques faisant référence en France (juin 2012)





Le présent document fait la synthèse de cinq textes-sources qui constituent de fait un socle de référence des journalistes en France, soit en raison de leur rôle historique, soit parce qu’ils sont le résultat d’efforts récents de groupes de réflexion au sein de la profession :

·        La Charte d’éthique professionnelle des journalistes du SNJ, dont la première version date de 1918 et la troisième et dernière de mars 2011 ;
·        La Déclaration de principe sur la conduite des journalistes de la Fédération internationale des journalistes (FIJ) de 1954 révisée en 1986 ;
·        La Déclaration des devoirs et des droits des journalistes élaborée en 1971 à Munich par un collège professionnel syndical européen ;
·    La Charte qualité de l’information rédigée en 2008 par un collège professionnel d’horizons variés à l’initiative des Assises internationales du journalisme ;
·        Le Projet de code de déontologie pour les journalistes proposé en octobre 2009 par un « Comité des sages » réuni à la suite des Etats Généraux de la Presse Ecrite (automne 2008) autour de Bruno Frappat.

L’essentiel des règles déontologiques énoncées dans cette synthèse est commun à ces textes, qui ne se contredisent pas sur les principes, mais se complètent. Ces règles y sont déclinées en cinq chapitres :
§  le droit citoyen à l’information,
§  la responsabilité des éditeurs et des journalistes,
§  l’indépendance du journaliste et l’autorité éditoriale,
§  la collecte de l’information,
§  le traitement éditorial de l’information,
§  les engagements personnels du journaliste.

Ce document, rédigé à partir d’un travail minutieux d’Eric Rohde par un groupe de membres de l’APCP réuni autour de lui, pourrait être utilisé par une instance de médiation et d’éthique professionnelle de l’information (conseil de presse), dont l’APCP souhaite la création.


I. Le droit citoyen à l’information

1. Les droits à l’information, à l’expression et à la critique sont des droits fondamentaux de l’être humain.

2. L’exercice de ces droits requiert la pluralité de médias libres, indépendants et de qualité.

3. Leur existence est inséparable de l’exercice de la démocratie telle qu’elle est proclamée par la Constitution de la République française et par la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales.

II. La responsabilité des éditeurs et des journalistes

4. La réalisation et la diffusion d’un média sont un acte d’édition et de journalisme. Les responsabilités de l’éditeur et du journaliste ne peuvent être confondues.

5. Cet acte engage chacun de ses acteurs individuellement et collectivement vis-à-vis du public.

6. La responsabilité de l’éditeur de média et du journaliste à l’égard du public prime sur toute autre. Elle fonde l’éthique ainsi que les devoirs et les droits de tous les acteurs de la chaîne éditoriale, quel que soit le média.

7. L’éditeur doit garantir au journaliste les conditions du respect des règles déontologiques.

III. L’indépendance du journaliste et l’autorité éditoriale

8. L’indépendance et la liberté d’action du journaliste, condition essentielle d’une information libre, honnête et pluraliste, vont de pair avec sa responsabilité.

9. Le journaliste accomplit librement sa tâche au sein d’une équipe rédactionnelle, sous la seule autorité des chefs de la rédaction et sous la responsabilité du directeur de la publication.

10. La sécurité matérielle et morale est la base de l’indépendance du journaliste. Elle doit lui être assurée, quel que soit son lien juridique avec l’entreprise éditrice.

11. Le journaliste ne peut être contraint d’accomplir un acte, d’exprimer une opinion, ou d’être associé à une expression éditoriale qui seraient contraires à sa conscience ou aux règles déontologiques.

12. Il n’accepte aucune consigne, directe ou indirecte, des annonceurs, ne cède à aucune influence intéressée ou pression et s’assure d’agir avec la plus grande autonomie de jugement possible. 

IV. La collecte de l’information 
13. Le journaliste doit pouvoir accéder à toutes les informations d’intérêt public.

14. Il s’attache avant tout à l’exactitude des faits.

15. La recherche et la collecte des faits décrivant la réalité sont conduites sans a priori, dans un souci d’équité et d’impartialité.
16. Le droit à l’information des citoyens fonde le journaliste à rompre, si nécessaire à l’intérêt public, le secret opposé par des acteurs publics ou privés.

17. La volonté de diffuser au plus vite ou en exclusivité une information ne doit l’emporter ni sur l’évaluation et la vérification des sources, ni sur le sérieux de l’enquête.
18. Le journaliste examine avec rigueur et vigilance critique les informations, documents, images, sons et prises de position qu’il collecte ou qui lui parviennent. Il s’assure notamment qu’ils n’ont fait l’objet d’aucune altération ou falsification de nature à déformer la réalité.
19. Il proscrit tout moyen déloyal ou vénal pour obtenir informations, images, sons et documents. De tels procédés ne peuvent lui être imposés par sa hiérarchie.
20. Lorsque sa sécurité, celle de ses sources, ou la gravité des faits le conduisent à taire soit sa qualité de journaliste soit son activité journalistique, il prévient sa hiérarchie, s’en explique dès que possible vis-à-vis du public, et s’efforce de donner la parole aux personnes mises en cause.
 21. L’origine des informations publiées doit être clairement indiquée. Le recours à l’anonymat d’une source n’est acceptable que lorsqu’il sert le droit à l’information ; dans ce cas, le journaliste en avertit le public après avoir informé son supérieur hiérarchique de la nature de cette source.
22. Le journaliste n’abuse pas de l’état de faiblesse ou de détresse de personnes pour obtenir d’elles des informations ou des documents.
23. Il garde recul et distance avec ses sources d’information, et évite d’instaurer avec elles toute connivence ou dépendance, qu’il les sollicite ou qu’elles se présentent à lui.
24. Il respecte le secret à l’égard des personnes qui l’ont informé confidentiellement et veille à les protéger.
V. Le traitement éditorial de l’information 
25.  Chaque journaliste et chaque éditeur de média se portent garants, pour la part leur incombant, d’un traitement éditorial n’altérant, ne déformant et ne falsifiant pas les faits, les documents, les images et les sons. 
26. Le journaliste bannit l’approximation, l’invention, le mensonge, la rumeur.
27. Il refuse toute censure et veille à ne pas s’autocensurer, en particulier lorsque les éléments dont il dispose contredisent ses présupposés, ses prévisions ou ses préférences.
28. Il recherche la vérité, cultive le doute en toute circonstance, notamment face à l’autorité, à l’assurance du grand nombre et au charisme individuel; avec arguments et preuves, il combat le scepticisme.
29. Il veille à ne servir aucun intérêt particulier en relayant publicité, promotion, ou propagande, et à ne faire l’objet d’aucune manipulation. Il avertit le public d’une manipulation dont il a pu être l’objet.
30. Il ne fait preuve d’aucune complaisance dans la représentation de la violence et dans l’exploitation  des émotions.
31. Il s’interdit tout plagiat et cite les journalistes et les médias dont il reprend les informations.
32. Il s’efforce d’indiquer au public les circonstances d’élaboration et de publication de l’information.
33. Le journaliste et l’éditeur de média agissent sans intention de nuire. Ils s’interdisent toute malveillance, calomnie, diffamation ou injure.

34. Ils évitent toute mise en cause d’une personne sans élément probant. Ils ne le font qu’avec la plus grande circonspection en s’efforçant de donner la parole à la personne incriminée, ou à tout le moins de faire droit à son point de vue. Ils s’obligent à rendre compte jusqu’à leur  terme des procédures judiciaires qu’ils ont évoquées.

35. Ils respectent la présomption d’innocence.

36. Ils s’interdisent tout préjugé et toute discrimination.

37. Ils veillent à ce que la diffusion d’une information ou d’une opinion ne contribue pas à nourrir les préjugés, les discriminations ou la haine ; d’une manière générale ils s’évertuent à ne pas contribuer à la manipulation des consciences et à favoriser l’autonomie d’appréciation du public.

38. Ils respectent la vie privée des personnes. Ils ne diffusent d’informations relevant de la vie privée que si elles servent le droit légitime à l’information des citoyens.

39. Ils doivent assurer le suivi de l’information.

40. Ils rectifient le plus rapidement possible, de manière visible, toute erreur ou information inexacte. 


VI. Les engagements personnels du journaliste


41. Le journaliste ne confond pas son rôle avec celui du policier ou du juge. Il n’est pas un agent de renseignements.

42. Il s’interdit de recevoir un quelconque avantage en raison de la diffusion ou de la non-diffusion d’une information.

43. Il s’interdit toute activité lucrative, extérieure à l’exercice de sa profession, pouvant porter atteinte à sa crédibilité, à son indépendance ou à celles du média auquel il collabore.

44. Il s’interdit toute activité où sa qualité de journaliste, son influence, ses relations seraient susceptibles d’être exploitées à d’autres fins que l’information du public.

45. Il évite – ou met fin à – toute situation pouvant le conduire à un conflit d’intérêts dans l’exercice de son métier.